Le travail totalitaire - Grand Format

Les théories managériales et leurs mises en pratiques dans des organisations du travail où l'urgence devient la norme engloutissent la moindre parcelle de liberté de notre temps quotidien. Il faut désormais être à disposition 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, même lors de ses congés. Ainsi encadré, l'organisation du travail contraint accapare notre intimité jusque dans l'offre et la consommation de loisirs planifiés et minutés.
Face à ce rouleau compresseur, les logiques d'émancipation se dissolvent comme celle d'un droit fondamental, indispensable et inaliénable, à l'oisiveté. Ce processus progresse, en France, sous l'étendard de la "refondation sociale" brandi par le CNPF-Medef. Depuis, il ne cesse de se légitimer, avec l'appui inconditionnel des forces et institutions d'Etat, toutes mobilisées pour en asseoir l'hégémonie.
De 2000 à 2024, le processus de guerre sociale s'est approfondi à travers notamment le recul de toutes les formes sérieuses de contrôle du pouvoir de propriété dans l'emploi et la mise au travail. Fin totale des illusions racornies sur "la citoyenneté dans l'entreprise" promulguée dans le préambule des lois Auroux (1983), mais révérence et enthousiasme devant l'"entreprise citoyenne", dont la jouissance est destinée aux seuls propriétaires du capital.
Le travail totalitaire examine le retour aux rapports fondamentaux d'exploitation comme aux beaux temps du 19e siècle : le travail appartient à celui qui le conçoit et le paie, et celui qui l'accomplit lui doit tout et se doit de lui concéder toute l'énergie et le temps qu'on lui réclame dans le quotidien, comme tout au long de sa vie. Le retour à ces fondamentaux renvoie à l'expression de l'enjeu essentiel, si ce n'est unique pour celui qui ne vit pas du capital : être humain à part entière ou être chose manipulable selon les besoins, c'est-à-dire être un individu qui n'est libre qu'en apparence.