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Si les Anciens imitaient l'acte créateur, ils reproduisaient le monde. Les Premiers Romantiques, eux, veulent imiter l'acte créateur, afin de créer le monde. Un génie poétique d'un genre nouveau, un génie romantique est né : un médiateur qui apparait comme l'homme de l'interstice. Son comportement, sobre et lucide, son attitude intellectuelle, sorte de rationalisme mystique, soutiennent une maitrise poétique sans pareil.
Le roman n'est alors plus uniquement un relais du sacrifice rituel qu'il représente, dont il témoigne et d'où il peut tirer sa finalité. L'écrivain y met en scène son sacrifice, lorsque lui-même s'offre en sacrifice, afin de produire l'oeuvre littéraire. Contemporains, mais aussi fins observateurs des grandes mutations historiques, les Romantiques ont perçu l'évolution du sacrifice, la violence essentielle qu'il renferme, la possibilité créatrice qu'il offre, la pierre angulaire formée par l'anthropologie, la littérature et la religion.
Cet ouvrage propose de reconstruire une démarche singulièrement romantique — par la mise en perspective de leurs recherches, de leurs analyses et de leurs découvertes — on tout est réfléchi intensément et poétisé, dans un aller-retour incessant. L'enjeu est de retracer à rebours l'origine de l'évidence d'un sacrifice du poète au XXe siècle, ce sacrifice connu, indispensable et incontestable de l'écrivain pour son oeuvre.
Cette vision partagée de ce qu'est un poète et de la façon à laquelle il produit une oeuvre, est construite, intériorisée et transmise. Elle ne va pas de soi et n'a pas toujours existé.