Le lecteur d'aujourd'hui sera frappé de l'actualité de cette histoire vieille cependant de quelque soixante ans. Elle révèle la prescience du théologien...
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Le lecteur d'aujourd'hui sera frappé de l'actualité de cette histoire vieille cependant de quelque soixante ans. Elle révèle la prescience du théologien suisse qui anticipe sur l'évolution des esprits et se découvre notre contemporain par sa façon de poser les questions comme d'y répondre. Cette actualité éclate d'abord à propos de la conduite des autorités helvétiques pendant la guerre. Pour Charles Journet, quelque justifiée qu'elle puisse être par les circonstances et le souci de tenir la Suisse à l'écart du conflit, la neutralité diplomatique ne saurait induire une neutralité morale : elle ne peut prescrire le devoir impérieux de condamner le mal. C'est déjà notre débat actuel sur le devoir d'ingérence et sur la responsabilité des gouvernements et de la communauté mondiale à l'égard des crimes contre l'humanité et des violations des droits de l'homme.
Mêmes réflexions pour la conscience chrétienne et l'Eglise catholique. Les démêlés de l'abbé Journet avec son évêque, leur désaccord profond illustrent le décalage des points de vue : ils tiennent deux langages trop différents pour se comprendre. La compréhension de leur différend éclaire la controverse, si vive aujourd'hui, sur le silence de Pie XII. Ce n'est pas seulement que nous serions aujourd'hui mieux informés sur les crimes du IIIe Reich et davantage instruits de la perversité de son idéologie : dans un chapitre qui est un exemple d'érudition objective Guy Boissard établit de façon irréfutable que, si l'on ne connaissait pas dans le détail l'atrocité de la solution finale, on en savait largement assez à Berne comme à Rome pour ne pas avoir de doute sur la nature du régime et l'étendue de ses forfaits et donc pour le condamner. Mais la crainte des conséquences, l'hésitation sur le devoir de parler, ferment la bouche aux responsables.
A travers ces pages se manifestent la clairvoyance et le courage de ce prêtre et de cet intellectuel. Il lui en a coûté : écartelé entre l'obéissance à l'autorité et sa conscience, il a souffert. L'histoire a donné raison à l'abbé Journet et l'Eglise a fini par lui rendre justice en l'élevant au cardinalat.
Sommaire
Les années de maturation d'une philosophie politique
Charles Journet et la neutralité helvétique
Parler ou se taire : Le différend qui opposa l'abbé Charles Journet et son évêque
Nova et vetera dans le contexte de la presse suisse
L'esprit de résistance
Charles Journet et l'accueil des réfugiés et des juifs
Quelle connaissance a-t-on en Suisse des projets hitlériens ? Préparer le nouveau monde de la paix
Une spiritualité vécue dans le tragique des événements.