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L'ombre des forêts est un texte limite, aux personnages faits de larmes et de cauchemars. Il y a Céleste, la bonne sans relief de Monsieur, écrivain raté et reclus qui entretient une étrange relation avec une lampe, "globe sale".
Il y a le duc de Reschwig, aveugle, qui plonge dans les poubelles à la recherche de bas de femmes. Et il y a Rose Poussière, alias Edwina Steiner. Prisonnière de son cerveau malade, personnage de souffre douleur pour toute l'humanité. Tous se croisent dans une ville imaginaire et tentent de supporter leur égarement sur terre. C'est sans espoir et très drôle
à la fois, et vous aurez l'impression d'avoir pénétré dans un tableau de Goya. Magistral !
Publié en feuilleton puis intégralement en 1923, voilà un des textes les plus dingos de la littérature populaire. Bénédict Masson est un pauvre type affublé d'une physique à faire défaillir le moindre spécimen de la gent féminine. Sa gueule d'affreux ne lui permet aucune rencontre jusqu'à ce que la belle Christine qui vit en face de chez lui, missionnée par un curieux marquis, ne vienne le solliciter pour un travail de reliure (car malgré sa laideur il a quand même trouvé un travail, à son compte, faut pas déconner non plus. ..) Entre temps notre vilain s'est permis d'espionner la belle et de s'apercevoir qu'elle cache un amant charmant dans son appartement, en plus de Jacques son cousin qu'elle est censé épouser (toute une époque). Jusque là rien de sensationnel. Sauf que le marquis pour lequel il doit relier de rares ouvrages a la réputation d'être... un vampire. Sa femme est persuadée qu'il est immortel et que tous les tableaux des ancêtres présents dans la demeure sont un seul et même type, son mari. Et voilà notre Bénédict embarqué dans une aventure aux mille rebondissements faits d'opérations chirurgicales étranges, d'Hindous fous, de morsures sanglantes et d'apparitions de fantômes dans la lande. De quoi frissonner et s'émouvoir comme un lecteur du siècle dernier, rien que ne puisse vous apporter les auteurs populaires d'aujourd'hui. Et punaise, ce n'est que le tome 1, la suite s'intitule La machine à assassiner, tout un programme vers lequel je me lance avec délice... La suite au prochain épisode ! J'aiguise mes crocs et je vous tiens au jus...
Le crime des riches est un recueil de nouvelles de notre ami Jean Lorrain, prince des décadents fin-de-siècle, "enfilanthrope" de première, journaliste et écrivain à la langue de vipère et aux mots assassins.
Les formidables éditions du Chat Rouge rééditent avec brio ce livre publié il y a 115 ans et qui flamboie toujours de mille feux acides.
On y croise des vieilles peaux fardées sur leur terre de prédilection, la Riviera, "quelques gargouilles en rupture de cathédrale", dont divers narrateurs se font un plaisir de raconter les perfidies, les mensonges et les immondices qu'elles
cachent derrière le vernis luxueux de leurs villas étincelantes. Carnavals, fêtes foraines et lieux interlopes sont aussi le terrain de chasse de Lorrain, qui s'y plaisait autant que dans les lieux les plus nobles. Plus la fange sentait mauvais plus son acuité semblait s'épanouir à observer et caricaturer (à peine cela dit) les grands noms de ce monde, ducs et duchesses, marquis et marquises, princes pervers et princesses aux secrets plus fournis que leurs tiroirs à bijoux.
C'est succulent, incisif, drôle et amer tout à la fois et l'on rêverait que Lorrain soit encore là pour nous faire rire et frémir du monde de faux semblants dans lequel nous vivons, toujours.
Jossot est surtout connu pour son travail de caricaturiste dans L'assiette au beurre. Ces textes subversifs et carabinés pour reprendre les termes d'un célèbre entarteur sont un pur régal de libre pensée et d'anarchisme individualiste. En gros quand vous aurez lu ça vous n'aurez qu'une envie c'est de conspuer ce monde inique et de vous rebeller contre l'inconvénient d'être nés. Le bonheur ne tient pourtant qu'à de petits efforts. Jossot démonte un à un les socles de notre société, fait l'éloge de la paresse, dézingue l'endoctrinement religieux et l'interprétation dévoyée de
Jésus, ce grand fainéant de nos vallées fertiles en connerie. Rien de tel que la paresse pour apprécier les fruits de notre monde. Il pousse même le bouchon jusqu'à faire l'éloge de l'illettrisme car savoir lire est pour lui le meilleur moyen de se faire endoctriner et de gober la soupe de pensée de nos tyrans de dirigeants, inculquée à force d'obéissance aveugle en des valeurs moribondes comme l'abrutissant travail et la force du groupe. C'est par l'éveil de l'individu que Jossot veut sortir l'homme de son marasme. Pensez par vous même et vous panserez vos propres plaies, obéissez à vos désirs et affirmez votre capacité à apprécier la nature et son abondance.
Ce n'est pas plus demain qu'hier que l'on affichera des citations ou des dessins de Jossot dans les écoles et c'est bien dommage mais la lecture de ces textes cassé la baraque intérieure de nos idées préconçues et en ces temps merdiques, c'est toujours ça de pris. Mort aux cons, et bisous aux éditions Finitude qui ont sortis de l'oubli ce petit brûlot revigorant !
"Se mettre à plat ventre est bien... Toutefois, cette position est incommode pour lécher la main de celui qui vous donne des coups de pieds dans le derrière".
Des coups de pieds, Satie en a reçu pas mal. Le pauvre bougre a fini sa vie sans amour et sans argent, en ermite cloîtré dans un tout petit appartement.
Ces mémoires sont la compilation de nombreux articles qu'il fit paraître dans la presse, des textes courts bourrés d'humour et d'ironie loufoque. Les critiques qui l'ont bien mérité en prennent pour leur grade. Satie ne rentrait pas dans les cases et faisait sauter les
cloisons. Drôle de trajectoire qui le fit à la fois connaître Mallarmé et Verlaine, Debussy, son vieil ami, le foldingue Sâr Peladan, Jean Cocteau, les dadaïstes, André Breton, Picabia ou Duchamp, bref tout ce que l'avant garde compte de têtes au tournant du XXème siècle. Pas si mal pour une vie de 59 ans seulement...
Qu'il parle de musique, de littérature, de Nicolas Flamel, des cafés ou de son fichu parapluie qu'il a égaré, Satie donne toujours de quoi sourire ou méditer sur l'art et la création.
"Mon parapluie doit être très inquiet de m'avoir perdu" écrit-il. Nous sommes tous aujourd'hui les parapluies de Satie.
Bonne lecture !
A l'âge où on s'identifie aux plus grands des suppliciés de la littérature parce qu'on a des boutons sur le front, pas de copine et que nos parents ne comprennent pas la musique qu'on écoute, à cette âge là j'ai découvert Artaud, Le grand Mômo des lettres françaises. Précisément par son voyage au pays des Tarahumaras, ce peuple du Nord du Mexique chez lequel il partit en 1936, accablé par un sentiment de vide, chercher un moyen psychologique et spirituel de survivre, de "briser la malchance" comme il l'écrit. Les textes qu'il produit relatent son initiation au peyotl, un cactus
contenant des alcaloïdes hallucinogènes, utilisé par les Tarahumaras lors de séances rituelles auxquelles Artaud aurait assisté. Aurait car personne ne fut témoin de ses aventures à cheval dans les montagnes. Après tout peu importe. J'ai toujours pris ces textes comme des traces d'une expérience initiatique aux confins de la folie et de la poésie, du même calibre que Kinski dans Fitzcarraldo ou Bernanos dans la Montagne morte de la vie. Artaud raconte que des formes se dessinaient sur son passage dans la montagne, que les Tarahumaras savaient qui étaient les Rois Mages bien avant les Chrétiens, ou bien encore qu'ayant montré une image du Christ aux Tarahumaras, ils y reconnurent le saint visage. Entre documentaire ethnologique et délire total, prose et poésie, descriptions classiques et interprétations saugrenues, Artaud laisse derrière lui un livre unique et inclassable, une expérience de lecture comme il en existe peu.
Un an après son voyage au Mexique, Artaud part en Irlande avec la canne de Saint-Patrick, s'initier aux mystères des druides et de la philosophie nordique. Il sera ramené en France, de force, et interné dans divers asiles durant 9 années, survivant 2 ans de plus seulement à un régime d'électrochocs et de privations, le visage émacié et paraissant un vieillard de seulement 52 ans.
Il y a des livres qui forment une communauté de lecteurs. Celui-ci en fait assurément partie.
Le narrateur commence son récit dans un wagon abandonné dont il a fait son logis avant d'être attaqué sauvagement. Blessé et en sang, c'est une main de femme qui va le sauver. De cette rencontre aux accents quasi mystiques va suivre une série de cahots et de bifurcations qui le feront passer des milieux faubouriens à la grande bourgeoisie, du bordel à la criminalité, comme on se cogne aux épaules de gens variés quand on marche dans la rue en état somnambulique.
"Non, disparaître, cela
seul est vrai. Se perdre dans les rues des villes, s'enfoncer dans les caveaux, dans les travaux obscurs des villes, s'effacer dans les gares, dans les faubourgs. Mais comme je me butais à ce coin de ma prison, je courus à l'autre coin."
Ce livre a mille coins, mille recoins, et vous n'en aurez pas fini de le lire après en avoir tourné la dernière page.
Ces poèmes évoquent les rencontres d'Akhmatova avec l'intellectuel anglais Isaiah Berlin. Cinq rencontres qui prendront pour elle un caractère quasi cosmique. De longues nuits de conversations à bâtons rompus évoquant un monde qui lui est interdit par le régime politique. Son premier mari exécuté, son fils Liova arrêté, elle-même surveillée de près, la poétesse vit cette rencontre comme un souffle nouveau qui la bouleverse et ce durant de longues années.
Visite nocturne.
"Ce n'est pas sur l'asphalte jonché de feuilles mortes
Que tu m'attendras,
C'est dans un adagio
de Vivaldi que toi et moi
Un jour on se reverra.
De nouveau les bougies seront d'un jaune terne,
Ensorcelées par le sommeil,
Mais l'arche ne demandera pas comment tu es entré
La nuit dans ma demeure.
Dans une plainte mortelle et muette ces heures
S'écouleront,
Et toujours tu liras au creux de ma paume les mêmes merveilles.
Alors viendra t'emporter mon angoisse,
Devenue fatalité,
T'emporter loin du seuil de ma porte,
Dans le ressac glacé. "
Parfois entre deux lectures qui demandent un peu d'investissement, il est bon de se laisser porter par un bouquin populaire bien foutu et lu en deux heures.
En bref nous voilà dans le milieu du cinéma que Dard a bien connu. Maurice est un acteur qui végète dans des rôles de figurants jusqu'à ce qu'il se fasse remarquer par Lucia Merrer, une star de l'écran de l'époque. Lucia a deux fois son âge mais ça ne l'empêche pas de mettre le grapin sur notre Momo et de lui promettre un rôle, un vrai, dans son prochain film duquel elle assurera elle même la réalisation. Ce rêve de gloire
a un revers, il faut coucher avec Lucia qui bien que possédant un corps encore attirant cache sous ses tonnes de maquillage un visage bien rabougri et quelques dizaines de rides malvenues... Quant au rôle, il s'agit pour lui de jouer le fils de Lucia, lui dont tout le milieu a bien remarqué qu'il avait tout du gigolo de la vioque... Par dessus tout ça la fille de Lucia qui a d'autres charmes de fraîcheur plus évidente tourne autour de Maurice et parvient à le séduire. On s'en doute tout ça va mal finir et quelqu'un va rester sur la carreau.
Deux heures de lecture rafraîchissante ça vous tente?
Drôle ET intelligent
Quiriny livre ici une satire sociale déguisée en vaudeville moderne, fin et très drôle, ou comment la vie dans un immeuble de haut standing peut devenir un calvaire alors qu'elle avait tout pour rendre tout le monde heureux... Une lecture savoureuse !
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