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On pourra dire ce que l'on veut du pape du surréalisme mais dans ce recueil vous trouverez le plus beau poème jamais écrit pour une femme à savoir L'union libre (1931), composé comme un blason aux images fulgurantes et d'une richesse folle. Rien que pour cela, posséder ce livre dans sa bibliothèque est plus que recommandé.
Eric Poindron ! Un bien drôle de nom pour un bien drôle d’auteur. Passant d’un livre sur le réalisateur Ricardo Freda à des ouvrages consacrés au champagne ou au whisky, de Paul Fort aux Mystères et diableries en Champagne-Ardenne… l’homme a de quoi nous surprendre. Aux carrefours des mauvais genres, du mystérieux, du populaire, cet amateur de cabinets de curiosités avait tout pour me plaire avant même que je le connaisse.
Que dire de ce livre sans tomber dans une bien emmerdante analyse journalistico-universitaire… Eh bien que c’est un livre pour les amoureux des livres
et des mystères de la littérature (mais pas seulement). Bien qu’absolument inclassable, De l’égarement... est assez simple à présenter :
Le narrateur est contacté par une société secrète, le « Cénacle troglodyte », un cercle de personnes obscures s’adonnant à des recherches sur les mystères cachés derrière l’histoire officielle de la littérature. Ainsi vont se croiser les figures de Nerval, de Lewis Carroll, d’Alexis Charles Berbiguier de Terre-Neuve du Thym, de Marcel Schwob, du Grand Jeu ou de Lovecraft, et derrière eux, autant de mystères à élucider. Roman feuilleton, ésotérisme, magie et poésie se côtoient et font vaciller les frontières de la réalité et de l’imaginaire. Un très bon livre dans lequel se perdre !!
Il est des livres qui nous accompagnent et desquels on fait des oreillers ou des nids pour venir y rire, y pleurer et y retrouver une musique tellement profonde qu’elle semble faire partie de nous-même. La grande vie est pour moi de ceux-là.
Jean-Pierre Martinet est un météore triste. Mort à 49 ans, affaibli par la vie et de multiples échecs, il laisse derrière lui une œuvre de quelques livres, des cailloux de Petit Poucet pour des générations à venir. Comme avec Beckett, sa première lecture m’a laissé sur le cul, ne sachant si je devais rire ou m’inscrire à l’Agence générale
du suicide de Jacques Rigaut.
Adolphe Marlaud possède déjà un nom aussi éloigné du glamour qu’un plat de navets refroidis, la vie ne l’a pas gâté ou seulement dans le sens premier du terme. Ses deux parents sont morts, sa mère gazée à Auschwitz et son père, un enfoiré de première, repose à quelques mètres de chez lui, au Père-Lachaise. Il observe sa tombe de chez lui, rue Froidevaux (…) et se donne pour mission de la surveiller, ce qui, accessoirement, lui donne l’occasion d’acheter une carabine pour dégommer les animaux à qui viendrait l’idée de souiller la noble sépulture.
Son quotidien est une source inépuisable pour qui voudrait rédiger de nouvelles définitions des mots « morne » ou « déprimant ». Employé dans un magazin d’articles funéraires, traité comme un chien par son patron, sa non-vie sexuelle est soudain est soudain bouleversée par l’intrusion d’une énorme concierge de 2 mètres obsédée par Luis Mariano qui le choisit comme objet sexuel, lui si frêle et peu ragoûtant. « Généralement on me comparait à un cloporte ou à une punaise, ce qui me flattait plutôt car j’ai toujours adoré ces petits insectes. Quand je me regardais dans la glace, le matin, je ne donnais pas entièrement tort à mes détractrices. Cette tête d’avorton maussade, presque toujours ensommeillé, ce teint jaunâtre, comme si j’avais passé la nuit dans un seau hygiéniqe, cette taille ridicule qui m’obligeait à porter des talons très hauts pour ne pas ressembler à un des nains de Blanche-Neige, je me sentais parfois si laid, si misérable, que je détournais les yeux lorsque j’apercevais mon reflet dans une vitrine. Madame C. était encore trop bien pour moi. Je ne la méritais pas.»
Ses soirées sont faites de lectures (Bossuet, Rimbaud, Nabokov, Léo Malet ou Svevo) et ses journées de rêveries sur sa clientèle féminine ; toutes ces femmes en deuil portent-elles des sous-vêtements noirs ? Elles le captivent d’autant plus que la grosse Madame C. lui donne un aperçu de l’enfer sensuel : « J’étais condamné à plonger sans maugréer dans les ténèbres rougeoyantes. Je comprenais la terreur des habitants de Pompéï lorsque la lave du Vésuve avait déferlé sur eux. »
Comment donc sortir de tout ce gris de cimetière, de cette solitude poisseuse et de ce désespoir sans fond ? Par le rire, par un humour qui transcende la noirceur, qui la sublime, un rire jaune, sans drame, sans pathos, car « il n’y a pas de drame, chez nous, messieurs, ni de tragédie, il n’y a que du burlesque et de l’obscénité ».
Parmi les « seconds couteaux » de la littérature, les oubliés, les Emmanuel Bove, les Henri Calet et les Maurice Raphaël, Jean-Pierre Martinet fait figure de pierre angulaire. Maintenant, à vous la Grande Vie.
On doit aux éditions Finitude la réédition du génialissime Jérôme de Jean-Pierre Martinet mais pas seulement ! Voilà donc la correspondance jusque là inédite de Martinet avec son ami l'éditeur Alfred Eibel. Capharnaüm, revue élégante et rare dans le paysage éditorial français y propose quatre photos inédites de l'écrivain maudit, sorte de gros ours mal rasé luttant dans un monde qui ne lui aura pas fait beaucoup de cadeaux, auquel lui en aura par contre donné plusieurs.
La correspondance de Martinet a ceci de fascinant que l'on y découvre un homme solitaire et touchant, en
proie à des difficultés financières (Pauvert qui ne lui versera presque pas d'argent après avoir "saboté" lui même la diffusion de La Somnolence, vendu à 427 exemplaires avant d'être pilonné) et familiales (une soeur qui passera sa vie en hôpital psychiatrique). Martinet se révèle un homme hargneux dont les avis sur ses proches sont aussi acerbes que sa désespérance est radicale. Pour autant, alors qu'il ouvre une Maison de la Presse et se résout à ne vendre que des journaux sans intérêt et des San Antonio, Martinet n'en garde pas moins un respect pour les petites gens qui passent la porte de son magasin sans même un regard pour les Jim Thompson et autres Léo Malet qu'il expose et tente de leur faire découvrir. Ces gens-là seront toujours pour lui plus respectables que les intellectuels parisiens et le milieu du cinéma dont il a claqué la porte avec un soulagement non dissimulé...
Bref, il faut saluer Finitude pour cette entreprise miraculeuse et LIRE Jean-Pierre Martinet sous peine de se priver d'un bonheur unique en son genre!
Il fut un temps où les éditeurs prenaient beaucoup plus de risques qu'aujourd'hui... Pauvert, le plus gros concurrent de Losfeld, fut trainé devant les tribunaux pour avoir osé publier Sade, que l'on trouve aujourd'hui absolument partout. Losfeld? D'abord éditeur de livres vendus sous le manteau, franchement pornographiques, il n'eut de cesse de repousser la censure en passant dans la légalité. Amoureux de littérature populaire, de surréalisme et d'érotisme, son catalogue laisse rêveur le curieux qui s'y plonge aujourd'hui. Barbarella et les débuts de la BD pour adultes, Emmanuelle (le texte), Benjamin Péret (l'œuvre complète), c'est lui, mais aussi Sade, Seignolle, Picabia, Cravan, Forneret et tant d'autres... Losfeld en plus d'être sur tous les bons plans maniait aussi un certain sens de la filouterie dont ses mémoires laissent deviner la portée... Une lecture savoureuse et indispensable en ces temps moroses !
Ce n'est pas parce que j'ai eu la chance de rédiger la préface de ce livre que je vous en parle, mais quand même un petit peu ;) Et puis parce que L'Arbre Vengeur est un éditeur si cher à mon cœur que je ne vais pas bouder votre plaisir !
Amateurs d'humour noir, ce livre est pour vous. Nous avons tous un ennemi (si si cherchez un peu) que nous aimerions zigouiller sans se retrouver en prison. Ce livre singulier, mi manuel mi fiction, vous donnera les clés de votre épanouissement et satisfera votre curiosité. Suivez donc ses conseils et vous pourrez siroter l'alcool de votre choix en
regarder passer le cadavre de votre choix sur les flots troubles de la vie, conseil d'ami !
Pour ceux à qui ce nom, assez obscur il est vrai, ne dirait rien, voici une petite présentation:
MR est né à Toulon en 1918 sous le nom exact de Victor Le Page (merci à Bernard Joubert d’avoir vérifié à l’état civil). Il débute dans la littérature par des romans pour lesquels il a de grandes ambitions. Certains sont remarqués par André Breton (qui parle de « cryptesthésie des bas-fonds ») ou Raymond Guérin. Malgré tout, le succès ne vient pas. Raphaël se lance alors dans l’écriture de romans plus alimentaires, des guides, des érotiques et des polars principalement.
Certains d’entre eux seront publiés par Duhamel à la Série Noire, d’autres dans des collections de gare. MR a publié sous une foule de pseudonymes : Ange Bastiani, Ralph Bertis, Ange Gabrielli, Victor Saint-Victor, Mario Angéli, Zep Cassini.... Il faut bien l’avouer, la plupart de ces romans sont assez mauvais. Malgré tout, MR a produit quelques perles inégalables.
Je ne dirai pas grand-chose de la réputation sulfureuse de cet auteur que l’on soupçonne d’avoir joué un rôle détestable pendant la Seconde Guerre. Vous trouverez de quoi vous renseigner là ou là. Malgré tout, rien n’est encore certain sur les actes de Le Page pendant la guerre, les avis divergent et il y a suffisamment de livres sur lesquels s’arrêter pour aller fouiller les recoins de sa biographie supposée.
Commençons par Ainsi soit-il, qui fut condamné pour outrage aux bonnes mœurs en 1951. C’est Jean D’Halluin, le génial éditeur du Scorpion (qui publia Vian, Guérin, Queneau ou Max Roussel), qui prend le risque de publier ce flot de vomi littéraire célinien. Car en effet ce roman est peut-être le livre le plus trash que je connaisse. Du début à la fin, Raphaël donne la parole à un narrateur pessimiste qui décrit par le menu l’atrocité de la vie, les errances de bar en terrain vague, les pissotières et les mouilleurs de pain qui y officient, les putes, les poux, les rats et le pipi existentiel. Rien n’est épargné par un flot langagier argotique, nerveux, charriant l’abjection jusqu’aux limites de son expression. Ainsi soit-il est un roman purulent, une imprécation sauvage et débridée comme la littérature en a peu connu. C’est aussi mon Maurice Raphaël préféré et pour vous le faire découvrir, rien de mieux que quelques extraits:
« Pas d'espoir, vérole, bien sûr, pas d'espoir... mais pour une seule fois, une petite fois, entre deux passes, on m'empêchera pas de louffer un bon coup... de leur venter aux naseaux, ça fera du bruit. On l'entendra à Landerneau, une tonnerre de Brest, une tonne de dynamite, canonniers à vos postes. Par rafales de trois, feu... ça pétera le feu. Quel courant d'air, ah les carnes. Il y aura du vent dans les voiles, de la tempête dans les bidets, la mousson, un maelstrom, Bikini, un pet atomique. On en reparlera dans cent ans en se bouchant le blair... quel fumet, un rien, un zeste... à vos masques »
« Ma pureté, c'est au tréfonds de mon désespoir et de ma colique que je vais la chercher »
« ... Et on dit que la vie n'a pas de but, pas de sens. Mais si mon con, un sens unique... la fosse, fosse commune... fosse d'aisance.
... La mort... la merde. »
Dans la veine des portraits de femmes franchissant les limites de la raison, voici un texte mi-roman mi-biographie évoquant la vie et l'œuvre de Séraphine de Senlis. Fille de la campagne et jeune orpheline, Séraphine fait des ménages et vit en communion avec Dieu. La Sainte Vierge et les anges sont ses intercesseurs directs avec le Divin. Le soir, elle prend ses pinceaux et couche la nature: fleurs feuilles animaux et arbres expriment plus son trouble intérieur que de classiques natures mortes. Le collectionneur Wilhelm Uhde dont les goûts sûrs ont déjà découvert Picasso, Braque et le Douanier Rousseau, lui permettra de quitter son travail pour peindre dans de meilleures conditions et montrer son œuvre au public. C'est sans compter la guerre qui approche et la raison qui vacille jusqu'à l'internement en asile psychiatrique. Francoise Cloarec maîtrise son sujet et nous fait suivre pas à pas la trajectoire cabossée de cette "femme minuscule" dont les toiles aujourd'hui se vendent à prix d'or et rejoignent les collections d'art brut ou naïf les plus prestigieuses du monde.
Arbre de Diane est un de mes recueils de poésie préférés.
"voici les versions proposées: un trou, un mur qui tremble". Nous verrons par ce trou les pas de celle qui marche sans ombre, en équilibre instable sur la crête de ce mur vacillant.
En somnambule, elle délivre de son être profond et de sa nuit les images d'une femme blessée, inquiète et inquiétante.
"J'ai chanté la tristesse de ce qui nait" précède de quelques poèmes cette autre citation : "elle mort de mort lointaine".
Entre ces deux points d'orgue, que reste-t-il à éprouver ou à aimer ?
Il y a le vent,
dont elle parle à merveille, les miroirs, de reflets et profondeurs toujours variables, peu d'humains car l'amour y est "bruit de vent brisé".
Et ces images de songes à faire pâlir un surréaliste, telles ces "pierres vertes dans la maison de la nuit".
Et le silence, cette indicible perfection:
"silence / je m'unis au silence / je me suis unie au silence / et je me laisse faire, / je me laisse boire / je me laisse dire."
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Deux jeunes filles élevées par une mère distante et un père flic et très occupé se retrouvent seules pour construire leur jeunesse et leur imaginaire sur les collines autour de chez elles. Le soleil, la Californie, le cadre est admirablement campé. Quant un tueur en série vient sévir sur ces collines, c'est la mécanique du mal qui s'enclenche et Maynard sait mieux que personne analyser la psyché humaine et les rapports des enfants avec ce danger qui les approche. Un livre brillant qui ravira à la fois les amateurs de suspense et de roman psychologique !