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"Mais je crains ta nature : elle est trop pleine du lait de la tendresse humaine pour prendre le chemin le plus court."
Shakespeare, Macbeth
Martin Joubert prend le chemin long, nécessaire pour communiquer avec les autistes et faire entendre au lecteur ce dont il s'agit, le faire entrer dans la séance et dans un environnement où rien ne paraît apte à border l'espace psychique, environnement qui n'environne pas véritablement.
Laurent décrypte toujours plus de signes auxquels il lui faut, un par un, accorder une signification. S'il comprend beaucoup de choses, c'est avec la tête. Il utilise un langage élaboré et se sert de son intelligence et de sa bonne mémoire pour comprendre le monde en posant des questions ciblées : Ça veut dire quoi : manger un peu de tout ? Pourquoi les grands-parents c'est les parents des parents ? C'est quoi un pays d'aide au tiers-monde ? Le 'monde-d'après-Laurent' semble un assemblage énigmatique de facettes sans nombre, à expliciter chaque fois.
Un énoncé de signifiants à multiples résonances le rend confus. "Il m'interroge comme si j'étais une sorte de Sibylle qui posséderait toutes les réponses, à ceci près que la Sibylle était ironique : elle se moquait des humains en jouant sur leur propre désir. Laurent, lui, est d'un sérieux absolu et le sérieux de sa question s'impose à moi. Pas question de se défiler dans une pirouette : il le sentirait tout de suite et se retirerait dans son monde.
On se croirait égaré avec lui dans une bibliothèque de Babel à la Borges avec, dans chaque case, non un livre, mais la réponse à l'une de ses questions."