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Depuis le jour où, à peine âgée de cinq ans, j'avais assisté à une matinée de la Comédie française, et où j'en étais revenue répétant des lambeaux de texte, défigurés par mon inexpérience, mais qui m'étaient aussi chers que des formules magiques.
Le premier volume des souvenirs de Dussane pourrait s'ouvrir ainsi, avec la naissance d'une passion, que la volonté et la fierté du talent ont menée à l'achèvement.
C'est à treize ans, en 1901, que Dussane prend, d'une ancienne pensionnaire du Français, Jenny Thénard, ses premières leçons.
En novembre 1902, à quatorze ans et demi, elle était reçue au Conservatoire. Et, au début d'août 1903, elle devenait pensionnaire de la Comédie française. Ainsi se décida la carrière, dont « Premiers pas dans le Temple » nous conte les commencements.
Portraits de famille, portraits de professeurs et d'acteurs, décors des années heureuses : Silvain, Féraudy, Paul Mounet passent à travers ces pages.
Mais l'apprentissage du métier s'y double de l'apprentissage de la vie : les souvenirs de Dussane débordent le théâtre.
On voit vite l'objet essentiel du livre, son intention profonde : sauver de l'oubli attaché au théâtre et à la vie du théâtre tout ce qui fut création, beauté, perfection d'un art toujours recommencé. Les prestiges précaires de la scène durent, comme dure la mémoire. Mais un beau livre immobilise et garde ce qui, sans lui, passe à jamais.
Dussane s'est voulue témoin. Logique avec elle-même, elle a dessiné, tout en donnant le témoignage, le portrait du témoin : tant vaut le second, tant vaut le premier. Pour nous, il est clair que l'expérience humaine et l'expérience professionnelle de Dussane sont inséparables. Elles se trouvent unies, pour nous montrer dans le vif comment on devient comédien, pourquoi on le reste, et par quelles voies on s'accomplit dans cet art.
« Premiers pas dans le Temple », c'est donc Paris entre 1900 et 1910, c'est Paul Mounet et Mounet-Sully, Silvain, Le Bargy, Féraudy, Albert Lambert, Julia Bartet, Segond-Weber, Coquelin Cadet.
C'est un moment du théâtre.
C'est aussi autre chose que ce passage, ce morceau de temps où s'accroche un pittoresque admirablement restitué, avec un art à la Forain pour le trait et, pour le fond, une sûreté psychologique à la Sainte-Beuve. C'est, en plus du tableau d'une époque, le voyage intérieur d'un écrivain de très grande classe, en qui le meilleur de l'art théâtral et de la vie du théâtre a trouvé sa voix.