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Peu avant la guerre de Saint-Benoît-sur-Loire, Max Jacob m'avait écrit : « On ne chante juste que dans les branches de son arbre généalogique ». Oui, c'est bien dans les branches de leur arbre généalogique, que les poètes trouvent leurs accents les plus bouleversants. Les romans précédents de Claire Goll n'étaient pas toujours directement branchés sur sa vie propre, ni sur les vies qui l'avaient précédée, et dont elle était l'héritière.
Toute perdue d'être libre de l'ombre du grand poète que fut son mari, Yvan Goll, elle a osé - enfin - affronter le fantôme d'une femme bottée, en noir, guêpe cruelle, despote d'un époux trop faible, et d'une fille qu'elle haïssait, Allemande fustigatrice, née d'un délire de Sacher-Masoch, sa propre mère. Non seulement Claire Goll, cette fois, chante dans ses feuillages, mais elle y crie plus encore de ferveur bafouée, que de souffrances d'enfant fouettée.
Le thème de la mère qui torture, la hante toujours. Elle n'a pas encore pu accepter que cela ait existé : le scandale est beaucoup plus grave, pour elle, que le ressentiment. C'est le thème de "Ballerine de la peur" où, utilisant au mieux son réalisme, se servant d'une langue nerveuse, cinglante, exacte, elle fait la peinture d'une mère non moins horrible que la Folcoche de "Vipère au poing" d'Hervé Bazin, à qui elle ressemble par l'intelligence de la méchanceté, mais qu'elle dépasse par le rigoureux équilibre des cruautés physiques, et des cruautés morales, et par l'évident érotisme.
Ces pages bouleversantes ne sont que l'expression d'une réalité vécue.