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L'énumération est un fondement de la
littérature : qu'on aille dans la Bible, avec l'inventaire du
temple dans Exode, ou les généalogies, et qu'on aille
chercher de quelles civilisations, de quels textes hérités. Et quel
bonheur et quel émerveillement nous prend encore à Seî Shonagon et
ses Notes de chevet, la capacité du coup d'entrer dans l'an
1000 du vieux Japon, et de s'y trouver comme en plein voisinage
avec le médecin ivrogne, les ponts qui sont beaux et ceux qui le
sont moins, les bons usages et les choses qui vous mettent en
colère, comme ce crissement du cheveu pris dans la pierre à encre.
L'énumération est toujours resté une marge active de la
littérature.
Parce que c'est ce que nous faisons dans nos cahiers,
dans notre documentation du monde. C'est la première construction
de langage pour construire et déplacer le regard. Il y en a chez
Novarina, chez Perec et Roubaud, des poètes comme Bernard
Bretonnière.
Maintenant, Jean-Louis Kuffer. Que je n'ai jamais rencontré. Au
départ, juste la curiosité d'un blog de critique littéraire tenu en
Suisse, donc un écart, des découvertes, une attention à des auteurs
qui comptent, Nicolas Bouvier le premier, évidemment, ou la
découverte de Popescu, sa Symphonie du Loup.
Mais nous tous, côté blogs, à mesure qu'on découvre l'outil et
la force d'Internet, on évolue.
La critique s'ouvre à la
photographie, aux scènes du quotidien, aux réactions d'humeur. Le
blog de Jean-Louis Kuffer a gagné en arborescence, enétalement : on parle d'une musique, d'un ciel. On y développe
des correspondances.
Et puis ses Ceux qui. Au début, un exercice un peu
discret, de fond de blog. On survolait. Je m'y suis pris vraiment
lorsque j'ai lu celui qui s'est intituléCeux qui se prennent
pour des artistes.
Tout d'un coup, un malaise : on
reconnaît toutes les postures. La phrase est incisive, contrainte.
Elle va de saut en saut dans toutes les postures du rapport qu'on a
chacun à notre discipline.
Celui qui, celle qui, ceux qui, dans mes ateliers
d'écriture, je me sers fréquemment d'un texte de Saint-John Perse
(le chapitre IV d'Exil) qui fonctionne sur ce principe, en
l'appliquant à la généalogie de chacun, mais une généalogie sans
noms propres ni chronologie.
Les résultats toujours sont
impressionnants : la peau du monde, les silhouettes qui le
portent.
Avec des effets connexes : peu importe, dans Saint-John
Perse, qu'on comprenne ou pas. Ainsi, dans les énumérations de
Kuffer, la phrase Celui qui a rencontré Dalida au temps où elle
devint Miss Egypte devient signifiante même sans rien savoir de
la protagoniste. Ainsi, et là c'est déjà dans Seî Shonagon, la
juxtaposition d'éléments forts, de haute gravité, ou à teneur
politique, voire subversive, et d'éléments qui tout d'un coup
provoquent le rire, ou la seule légèreté (Ceux qui vivaient aux
oiseaux en 1957).
J'ai donc demandé et obtenu de Jean-Louis Kuffer qu'on développe
ici ses Ceux qui.
La preuve qu'une énumération tient, c'est
quand sa propre table des matières devient elle aussi une prouesse
de langage. Voir l'extrait feuilletable. Mais Dans une idée
d'oeuvre ouverte, et la volonté de la questionner sur
publie.net : à mesure que JLK continuera son écriture, on
réactualise le texte initial, et vous disposez toujours de la
dernière version dans votre bibliothèque personnelle.
Mais aussi,
que le texte édité (pour contrer le principe d'enfouissement
du blog, ce que j'ai nomméfosse à bitume (Lien -> http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article749)), renvoie en étoile
aux archives du blogs non reprises dans la sélection de l'auteur
(30 chapitres, quand même) ou à celles qui s'y ajouteront...
Et bonne visite du site en développement infini de Celui qui, celle qui, ceux qui (Lien -> http://carnetsdejlk.hautetfort.com/celui_qui_celle_qui_ceux_qui/)
(mais attention, il y en a de dissimulés ailleurs dans le site).
Et
qu'une lecture aussi vigoureusement salutaire nous arrive des ciels
suisses n'est pas neutre : on s'en réjouit ici.
FB (Lien -> http://www.tierslivre.net)