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« Un nez !... Ah ! Messeigneurs, quel nez que ce nez-là !... », « Apprenez que je m'enorgueillis d'un pareil appendice, [.]. », « C'est un roc !... c'est un pic !... c'est un cap ! Que dis-je, c'est un cap ?... C'est une péninsule ! » Un roc face à l'amour caché, un pic de poésie et de brutalité mêlées, un cap à franchir pour être enfin percéà jour et une péninsule de bons procédés entre deux moitiés d'hommes condamnés...
D'un côté, Christian de Neuvillette, le gracieux sans cervelle. De l'autre, Cyrano de Bergerac, l'intellect obsolète. Qui ne connaît pas ce personnage là, ce mousquetaire gascon affublé d'un grand nez, amoureux de Roxanne mais dévoué au Cadet ? Nul ne peut l'ignorer car au-delà du mythe, c'est un nom qui perdure, un nom et un chapeau qu'il ne cesse d'ôter.
L'Amour avec un grand A serait-il alors, selon Rostand qui le met en scène en cinq actes, uniquement réservé aux beaux ? L'espoir de conquérir interdit aux oubliés de l'esthétisme facial et ratés de l'harmonie corporelle ? Retiré aux bafoués de l'existence et autres « bons amis » seulement à même de divertir par le rire ou d'inculquer par les mots, sans ne jamais avoir le droit d'aimer, sinon l'âme sour, le coup de cour...
Coup d'épée dans l'eau en effet car c'est bel et bien d'injustice dont traite ici Rostand ! Sous les traits fort charmants de Christian de Neuvillette, c'est en fait de l'esprit du cousin Cyrano - le poète au beau verbe mais laid et brute acerbe - que Roxane est éprise. L'amour impossible se jouant ainsi au cour de ce triangle amoureux ne connaît pas de règle...
Divisée entre deux hommes et soustraite à sa propre conscience, la belle multiplie les excuses pour que meurt l'inhérente évidence.
De la cape à l'épée en passant par le front, siège d'Arras où le nez protégera « l'aimé », c'est de lettres passionnées en baiser sur le front - le vrai cette fois - que la véritééclate à l'heure du son du glas.
De reprises littéraires en adaptations cinématographiques (entre autres la version césarisée de Jean-Paul Rappeneau, sorti en 1990), le succès mondial du drame romantique de Rostand est immortel.
Une écriture généreuse, une bonne dose d'infortune et un personnage hors-norme, tant par son nez démesuré que par ses multiples facettes effrontément exagérées.
Craignant pourtant que sa pièce soit un véritable fiasco, Rostand s'excusa auprès de l'acteur Coquelin le jour de la représentation générale pour l'avoir « entraîné dans une pareille aventure »... Pourtant Cyrano fut une triomphe sans précédent.
Le ministre des finances lui-même vint offrir à l'auteur sa propre Légion d'honneur, factice certes, mais tout de même ! On peut dire que l'homme avait le nez creux tant son flair l'avait pousséà sentir l'effluve du succès... Rostand se vit en effet remettre la véritable Légion d'honneur dans les jours qui suivirent, le 1er janvier 1898.
Librement inspirée de Savinien Cyrano de Bergerac (1619-1655), Cyrano de Bergerac demeure de fait la plus célèbre pièce de théâtre d'Edmond Rostand.
Dans le cadre de la collection « 3 raisons », c'est ainsi en dépassant le noir/blanc/rouge d'une « péninsule » découpée à l'obscur que vous embarquerez. Archétype humain digne du Roi Arthur ou de Don Quichotte (pour qui il retire son chapeau au seul son de son nom), Cyrano s'adresse donc à tous, sans exception, petits et grands, beaux et moins beaux, épris ou pas.
Une perle
Drame historico-militaire, qui depuis sa publication il y a plus d'un siècle ne perd rien de sa richesse, de son humour, de sa beauté, de sa poésie et de son tragique.