En cours de chargement...
Comment se dire dans son temps quand l'histoire invente l'individu en même temps qu'elle le malmène ? De Waterloo aux Mémoires d'outre-tombe, la publication de mémoires est un phénomène éditorial qui fait parler à l'époque de « fièvre » ou de « manie ». Parmi ces textes, seul le grand ouvre de Chateaubriand aurait eu la grâce, sanctionnée par une postérité toujours active, de transformer en or littéraire le modèle d'écriture pratiqué dans le tout-venant des mémoires.
Les moins mal connus de ces derniers sont les mémoires de Fouché, de la duchesse d'Abrantès, de madame de Genlis et les Mémoires d'une Contemporaine. Le succès de ces textes en leur temps n'a d'égal que l'oubli dans lequel ils sont rapidement tombés, dès la seconde moitié du xixe siècle : victimes du divorce, consommé à ce moment-là, entre histoire et littérature. Occulté depuis plus d'un siècle, l'énorme corpus de la mémoire historique publiée entre 1815 et 1848 existe comme un continent englouti.
Le mettre au jour, c'est non seulement ressusciter une bonne part du discours de l'époque, mais plus encore observer comment ont été amenés à se rencontrer et donc à se réinventer les modèles de l'expression de soi et de l'histoire. La prose des mémoires est comme un laboratoire où, dans les conditions d'existence nouvelles créées par la Révolution, l'écriture de soi, celle de l'histoire et aussi celle du roman se découvrent partie liée.