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Ni la cité grecque, ce « club de citoyens » qui en excluait les femmes, ni les tragédies d'Eschyle et de Sophocle qui nous ont majoritairement légué des héros masculins, ne pouvaient laisser prévoir une ouvre aussi singulière que celle d'Euripide, dont le rôle des femmes est un indice majeur. Le livre déchiffre, au pied de la lettre, la seule expression grecque qui nous reste - en dehors des poèmes de Sappho - d'une intériorité féminine confrontée à la cité qui décrète le genre féminin incapable de penser, et de prendre part à la vie publique.
Il s'agit donc de donner à entendre et à voir, à travers la diversité des figures et des ouvres, ce premier surgissement d'un « féminisme » dans l'histoire de notre modernité occidentale, grâce à une ouvre tragique qui lui ouvre sa scène : des femmes y prennent la parole pour se livrer, déplorer et dénoncer le regard et les discours qui sont portés sur elles. Accablées, mais inventives, elles se refusent à la servitude volontaire.
C'est dire que le théâtre d'Euripide, contrairement à la réputation qui lui a été faite depuis le XIXe siècle allemand, accomplit sa fonction dionysiaque : bousculant l'ordre établi, transgressant les frontières instituées, il démultiplie la parole pour faire entendre l'Autre, au risque de la terreur des Bacchantes. Il s'adresse au cour de notre modernité.