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Il y a un rapport fondamental dans l'ouvre de Michel Foucault entre résistance politique et expérience de l'anonymat. Ce rapport est demeuré peu exploré, en particulier dans le contexte de sa réception nord-américaine. Difficile d'en expliquer le pourquoi. On peut certainement supposer que la célébration de la "différence" et le triomphe de la politique de l'identité ont contribué à l'occultation de cette dimension essentielle de son ouvre.
Plusieurs critiques ont souligné l'ambiguïté du lieu de la résistance chez Foucault.
Il en était parfaitement conscient. Pour lui, il n'y a pas "d'ailleurs" du pouvoir au sens d'un dehors comme d'une exception. Sa pratique de l'écriture témoigne d'une mise en jeu de tous les instants, là même où le pouvoir nous intime secrètement: la résistance implique une mise en tension éthopoïétique qui déchire l'intériorité privée.
Dans la mesure où notre époque est, selon Foucault, dominée par le "gouvernement par individualisation", ne faut-il pas chercher le point de départ de ses analyses des modes de subjectivation, si celles-ci s'ancrent effectivement dans la résistance, dans une expérience de l'anonymat? Si tel est le cas, le défi que pose aujourd'hui l'ouvre de Foucault ne sera pas tant de remédier à une insuffisance présumée de sa conception de la résistance que de penser, dans son ambivalence constitutive, l'idée qu'"écrire pour ne plus avoir de visage" fait mieux entendre le grondement d'une bataille dont la ligne de front passe désormais au cour même des subjectivités.
C'est la figure de cet anonymat tonique que veut tracer ce livre.