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« J'accuse...! » fait partie de ton bon action kit de l'intellectuel engagé, révolté et déchainé contre l'Ordre injuste, le Mensonge et les abominables hommes verts qui constituent le corps militaire. Symbole de l'hypocrisie et de l'antisémitisme d'une société française en pleine mutation; qui a du mal à s'installer dans la IIIe République. D'où les poses d'un Bernard-Henri Lévy, faisant de Zola, dans Les Aventures de la liberté, le premier intellectuel dans l'histoire des idées...
Alors, si on relis « J'accuse...! » y trouvera-t-on quelque chose d'intéressant? Ou n'est-ce que la genèse d'une idéologie idéaliste qui croit qu'un article de journal peut bouleverser l'ordre de l'univers? Et que les écrivains, les philosophes, les penseurs de tout bord sont les agents de ces changements?
Oui.
On peut relire « J'accuse...! » sans crainte. Car, ce qui mérite l'admiration n'est pas tant cette posture romantique d'un naturaliste énervé, mais d'un homme qui ne triche pas. Et qui est prêt à tout pour se mettre d'accord avec lui-même. A voir un déferlement de haine, d'injures et d'agressions s'abattre sur lui. A mourir même. Contrairement à tant de lecteurs de « J'accuse...! » d'ailleurs. Si courageux dans leurs écrits et si précautionneux dans leurs actes.
Zola le rital, comme on a pu le désigner dans ce climat anti-dreyfusard, lui, met sa peau sur la table. Comme Rabelais et quelques autres, qui se comptent sur les doigts d'une main.
L'autre raison de re-lire « J'accuse...! », c'est le style. Pas celui que l'on vous fait décortiquer au Lycée. Mais celui qui vaut à Zola l'admiration de Céline. Qui dira : « Il n'est peut-être que temps, en somme, de rendre un suprême hommage àÉmile Zola ».
On l'oublie souvent, mais la langue de Zola, pour Céline, c'est celle qui fait vivre ses personnages, c'est cette force que rien n'arrête et qui emporte tout sur son passage. Dans la toute puissance de la musicalité d'un phrasé qui vous donne le réel, tel quel. Et Dreyfus alors de devenir, non pas une mode intellectuelle, ni un faire-valoir pour écrivain en recherche de gloriole, mais les tripes, le moteur, le sang.
La présente édition reprend l'article paru le 13 janvier 1898 dans le quotidien L'Aurore.
« J'accuse...! », plus de cent ans après sa parution continue encore d'accuser...
les lecteurs innocents qui y lisent tout, sauf un manifeste du « style ». Un art poétique. A vos liseuses.