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Ce livre est la reprise de l'importante thèse, soutenue par l'auteur à la Faculté de théologie catholique de Paris, dont le titre était : « Bultmann et la question du spécifique chrétien ». Le fait d'avoir concentré l'ouvrage sur Jésus, en harmonie avec la collection qui l'accueille, n'enlève rien à la force de la démonstration.
La foi chrétienne a-t-elle vraiment affaire avec Jésus, celui que l'histoire nous apprend à connaître ; et est-ce bien lui que les Chrétiens confessent comme le Seigneur Jésus-Christ ? À cette question, courante au XIXe siècle, les théologiens libéraux allemands, pères de l'exégèse moderne, répondent ceci : entre Jésus et Jésus-Christ, il faut choisir le premier, doux prédicateur d'un idéalisme humaniste, et abandonner sans regrets le second, le Christ mystique de la dogmatique ecclésiastique.
Dans ce contexte, l'entreprise de Bultmann se présente comme une vigoureuse protestation chrétienne, refusant de réduire Jésus à l'image d'un maître de sagesse piétiste.
C'est précisément ce geste de riposte que H.-J. Gagey reconstruit : il envisage Bultmann comme le théologien et l'exégète, pour qui l'Évangile de Jésus ne peut avoir d'avenir hors de la foi de la communauté pascale, laquelle reconnaît - dans le Crucifié - le Christ, autrement dit « la dernière parole de Dieu ».
Abordant ainsi Bultmann « dans la ligne de sa force », l'auteur de ce livre montre à merveille, relativisant ce faisant un préjugé courant, que l'enquête bultmanienne sur Jésus est bien une contribution positive, en vue de manifester en quoi la foi chrétienne se prononce sur la personne de Jésus et sur son destin.
Cette réhabilitation de Bultmann, présenté comme théologien, non seulement du Christ, mais aussi de Jésus-Christ, ne pouvait néanmoins dissimuler le caractère insatisfaisant de sa tentative.
En effet, le Jésus de Bultmann demeure le prédicateur de la dure parole du jugement. Il lui manque tout ce par quoi Jésus fut, avant tout, le « consolateur », autrement dit le témoin et l'annonceur de la Grâce. Aussi, H.-J. Gagey, qui « s'explique » avec Bultmann, est-il conduit à réévaluer la célèbre distinction entre le « Jésus de l'histoire » et « le Christ de la foi ».