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Durkheim et Mauss ont conçu l'enquête sur les catégories comme une composante essentielle de la sociologie de la connaissance, distincte de l'étude des formes de classification. Il s'agissait de rendre compte des « cadres permanents de la vie mentale », de la structure et de l'origine sociale de la pensée conceptuelle. Mauss a concrétisé ce programme dans ses études sur le mana et sur la notion de personne.
Par la suite, le projet a plus intéressé les anthropologues que les sociologues, ces derniers privilégiant plutôt l'étude de la classification sociale. Aujourd'hui la question des catégories refait surface. Elle suscite un vif intérêt de la part des sciences cognitives. Elle préoccupe aussi ceux qui sont sensibles à la dimension langagière des phénomènes sociaux. Elle concerne enfin les théoriciens de la « construction sociale de la réalité ».
Mais la notion de catégorie étant particulièrement équivoque, l'enquête contemporaine sur les catégories constitue un champ très hétérogène : l'étude de la formation des concepts y voisine avec l'analyse de problèmes de sémantique lexicale, l'exploration de l'organisation des domaines cognitifs, la description des procédures de sélection des identités sociales, ou la mise au jour des principes de construction de la réalité.
Une part importante de ces recherches s'inscrivent dans le cadre d'une théorie représentationnelle de l'esprit humain ; elles se mettent volontiers à l'école de la psychologie cognitive. C'est une approche plus praxéologique, développée à l'aide de ressources propres aux sciences sociales, qui a été privilégiée dans ce volume. Elle part de la question suivante : comment concevoir la valeur opératoire des catégories dès lors que l'on intègre dans leur domaine d'opérativité non plus seulement la pensée conceptuelle, le jugement prédicatif et l'activité de classification, mais aussi le raisonnement pratique, l'organisation in situ de cours d'action et la « construction sociale de la réalité » ?