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Jules Barbey d'Aurevilly (1808-1889)
"La lande de Lessay est une des plus considérables de cette portion de la Normandie qu'on appelle la presqu'île du Cotentin. Pays de culture, de vallées fertiles, d'herbages verdoyants, de rivières poissonneuses, le Cotentin, cette Tempé de la France, cette terre grasse et remuée, a pourtant, comme la Bretagne, sa voisine, la pauvresse aux genêts, de ces parties stériles et nues, où l'homme passe et où rien ne vient, sinon une herbe rare et quelques bruyères, bientôt desséchées.
Ces lacunes de culture, ces places vides de végétation, ces têtes chauves pour ainsi dire, forment d'ordinaire un frappant contraste avec les terrains qui les environnent. Elles sont à ces pays cultivés des oasis arides, comme il y a dans les sables du désert des oasis de verdure. Elles jettent dans ces paysages frais, riants et féconds, de soudaines interruptions de mélancolie, des airs soucieux, des aspects sévères.
Elles les ombrent d'une estompe plus noire... Généralement ces landes ont un horizon assez borné. Le voyageur, en y entrant, les parcourt d'un regard, et en aperçoit la limite. De partout, les haies des champs labourés les circonscrivent. Mais si, par exception, on en trouve d'une vaste largeur de circuit, on ne saurait dire l'effet qu'elles produisent sur l'imagination de ceux qui les traversent, de quel charme bizarre et profond elles saisissent les yeux et le cour.
Qui ne sait ce charme des landes ?... Il n'y a peut-être que les paysages maritimes, la mer et ses grèves, qui aient un caractère aussi expressif et qui vous émeuvent davantage..."
La nuit, dans la lande de Lessay, on entend parfois les cloches sonner: c'est la messe de l'abbé de la Croix-Jugan. Maître Tainnebouy raconte au narrateur l'histoire de l'abbé de la Croix-Jugan : Devenu chouan, l'abbé, afin d'éviter la défaite, tente de se suicider ; il survit mais il est complètement défiguré.
Quelques années plus tard, il réapparaît à Blanchelande. Ce moine encapuchonné intrigue Jeanne Le Hardouey...