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Que s'est-il donc passé, dans les mutations de la vie adulte, depuis les années 1960 ? On magnifiait alors l'adulte en termes de développement de la personne, d'entrée dans la vie et d'inachèvement humain. Un tiers de siècle plus tard, nous nous retrouvons face à un individu incertain, parfois requalifié d'individu en friche. Dans une culture de transition à la recherche de nouveaux repères, la vie adulte a perdu ses perspectives maturationnelles, pour devenir l'âge problématique des défis à affronter : ceux liés à l'avènement d'une civilisation de l'immatériel, ceux d'une crise de l'action instrumentale, ceux aussi de temporalités malmenées et en voie de recomposition.
Aussi, à l'instar des autres âges générationnels, la vie adulte s'identifie-t-elle désormais à une période existentielle faite de grandes perplexités génératrices de formes d'immaturité. Celles-ci vont se manifester, entre autres, dans des crises transitionnelles, un mal de reconnaissance identitaire, des situations limites à vivre, une expérience à régulièrement recycler, la tyrannie d'une multitude de décisions à prendre.
À travers ces différentes épreuves, se manifeste une figure plurielle de l'immaturité, en même temps que s'impose une déconstruction du concept de vie adulte comme catégorie d'âge homogène. Cette catégorie ne relève plus de la banale normalité, mais d'un traitement que l'actualité rend de plus en plus capricieux. C'est ce traitement qui est ici identifié et situé face à un possible escamotage à venir de la vie adulte : un tel escamotage réduirait le cycle de vie à une dichotomie, d'une part une jeunesse adolescentrique qui se prolongerait indéfiniment, d'autre part un vieillissement de plus en plus précoce qui fait de notre société une société gérontocratique.
La vie adulte en serait alors réduite à n'être qu'un passage plus ou moins flou, plus ou moins durable, entre les deux étants.