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Dans les « sombres temps » du XXe siècle, le poids de l'Histoire s'est accru des horreurs de masse, jusqu'à affecter l'image même de l'homme : aussi certains appellent-ils le théâtre à éveiller de nouveau, selon la formule d'Aristote, « le sens de l'humain ». L'objet réel peut-il prétendre à ce rôle ? Introduit dans le champ de l'art en 1912, puis, sous son aspect de reste ou de ruine, immédiatement après la Première Guerre mondiale (Schwitters) ou la Seconde (Kantor), il est certain que l'objet pauvre entretient un rapport avec la disparition - des idées, des êtres, des choses.
L'observation du théâtre qui, à la marge, se développe depuis une trentaine d'années sous l'égide de l'objet récupéré, permet de cerner comment, malgré son insignifiance, il se présente sur les scènes marionnettiques, des arts de la rue ou d'un certain théâtre « régulier », comme un objecteur : au jeu théâtral, à la représentation, mais aussi à l'obsolescence et l'oubli consécutif que prétendent compenser musées et commémorations.
Ce témoin inerte, dont la présence modifie pourtant substantiellement les usages scéniques, donne aujourd'hui naissance à des esthétiques diverses, parfois canularesques, où la mémoire tient du refuge contre les soubresauts de l'Histoire, et de la résistance à l'engloutissement des anonymes. Poétiquement, il exige de l'acteur qu'il ne soit plus seul en scène et dialogue avec celui que Kantor tenait pour un partenaire à part entière.
C'est, in fine, du metteur en scène disparu en 1990 que ce travail voudrait inventorier l'héritage, tant sont nombreux ceux qui, du Théâtre du Radeau à la compagnie Deschamps-Makeïeff en passant par les 26 000 couverts, reconnaissent en lui un des inspirateurs de leur propre démarche.