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La guerre de Candie est aujourd'hui bien oubliée. Ce conflit suscita pourtant un intérêt constant dans l'Europe du xviie siècle, tenue en haleine par les péripéties de ce siège interminable qui aboutit, en 1669, à la prise par les Ottomans de la capitale du Regno di Candia (aujourd'hui Héraklion). Des milliers de soldats, gentilshommes, aventuriers, gens sans aveux, combattirent les Turcs sous les bannières de Venise et du Pape, mus par des motivations fort diverses, allant du zèle religieux à la soif de gloire et d'aventure, en passant par la geste nobiliaire, le recrutement forcé ou la simple rapine.
Le capitaine Pierre Domenisse (v. 1629-1710) a laissé pour sa part un précieux témoignage des quelques semaines qu'il passa en Crète à l'occasion du « secours » envoyé par Louis XIV aux Vénitiens, durant l'été 1669. La publication de son Mémoire des choses les plus remarquables qui se sont faites au voyage de Candie, plus de trois siècles après, offre l'occasion de se plonger au cour de ce conflit qui, par bien des aspects, accompagna et consacra les derniers feux du mythe de croisade, si cher à Alphonse Dupront.
À travers le regard d'un rude protestant cévenol, ce texte donne aussi matière à s'interroger sur les relations complexes et mouvantes qui agitèrent et unirent mondes occidental et ottoman, alors même que les Turcs constituaient encore une menace pour l'Europe chrétienne.