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Pourquoi un ouvrage sur le genre ? Pourquoi un de plus ? Comme le fait remarquer Philippe Lejeune dans l'interview figurant dans ce volume, les études sur le genre occupent une place importante dans la recherche anglo-saxonne, qui les conçoit comme un enjeu politique majeur. Il en va autrement en France. Les chercheurs dans le domaine des études anglophones ne peuvent ignorer cette question, ils lisent leurs consours et confrères outre-atlantique, s'en inspirent, mais ils font montre d'une attitude plus réservée.
Sans doute est-ce un fait de culture, mais c'est aussi le produit d'un déplacement : alors que les études de genre sont issues des travaux des féministes de la génération des années soixante-dix, notamment Hélène Cixous, Julia Kristeva et Luce Irigaray, qui se positionnèrent en regard de la psychanalyse freudienne, les développements contemporains sont plus spécifiquement américains, bien que puisant leurs sources dans le poststructuralisme français, en particulier Foucault, Derrida, Lacan, l'on pense notamment à Judith Butler, Leo Bersani ou Eve Sedgwick.
C'est de ce hiatus qu'est partie la recherche qui a donné lieu à cet ouvrage, avec pour perspective, à la fois de rendre compte de l'inspiration que la critique européenne puise dans la pensée anglo-saxonne, mais aussi de mettre en lumière la manière spécifique dont elle se l'approprie, voire dont elle s'en distingue. Pour charpenter ce travail, les articles qui constituent ce volume ont été placés en regard d'interviews de ceux qui inspirent leurs démarches critiques.
Notre choix fut subjectif, partiel. Les personnes sollicitées n'ont pas toutes souhaité ou pu répondre à nos questions. Nous remercions ceux qui ont accepté de se plier au jeu: Eve Sedgwick, Luce Irigaray, Gérard Wajcman, Philippe Lejeune, Eric Laurent. L'ouvrage résulte des travaux du laboratoire de recherche « Lectures et languages critiques » de l'équipe ACE.