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La nuit du terroriste ? Un titre volontiers provocateur. L'éditeur a beau expliquer qu'il ne s'agit pas de terroristes comme les autres, l'image de ce même terrorisme demeure particulièrement effrayante et l'on doit aussitôt se demander comment des hommes de principe, de conscience et de devoir, se sont transformés en desperados. Quelle valeur essentielle a été foulée aux pieds devant eux, pour qu'ils recourent eux aussi au plastic, à l'arme du diable, celle qui leur inspire d'abord un mouvement de répulsion quand on la leur présente, comme s'il s'agissait d'un reptile ? Mais ce livre n'est pas un plaidoyer pour l'OAS.
Si l'auteur ne peut se défendre d'une vive sympathie pour les thèses que défendit l'Armée secrète, il raconte d'abord une histoire, avec autant de complicité pour ses personnages, autant de sympathie à peine voilée que Mauriac ou Thomas Mann. Autour de Vialatte, autour de Guillen et d'Adrienne, nous entrevoyons un univers qui approche de sa fin, un monde de lueurs, de parfums et d'éclairs qui évoque irrésistiblement le naufrage d'un grand transatlantique, une société très civilisée mais aussi parfaitement décadente qui se cramponne à des attitudes, entre en agonie, ne survivra pas à la catastrophe que fut la perte de la province algérienne.
Dans cette société où plus rien ne vaut rien et où le chef de l'État donne lui-même l'exemple de la perversité la plus extrême, tout est permis, comme pour Raskolnikoff qui ne croyait plus en l'existence de Dieu. Alors, on se sert de toutes les armes et aucune valeur morale ne vient plus retenir personne. Est-ce de la société coloniale dont il est question ? Pas du tout. Il s'agit de la France et de sa capitale, il s'agit des réflexes et des valeurs qui font un peuple.
Et ce livre, écrit d'abord pour un public averti, gagne une étrange résonance à travers l'actualité. Mais chut ! François Mora se défend d'avoir écrit un bouquin à thèse. Il a seulement obéi à la pente de son goût et de son tempérament. Non sans bonheur, car il règne dans le domaine de l'écriture comme d'autres dans celui de la musique. Et de surcroît, il sait raconter une histoire.