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Imaginez une grande maison de famille : Taillebois, un parc, un étang, cernés par une nature foisonnante, où se perpétuent les jeux de l'amour et de la mort. Un monde ancien qui se renouvelle, chaque été, rempli d'oncles et de tantes, de cousins, de cousines et, dans ce décor immuable, deux destinées qui se croisent, à des époques différentes : celle de Suzanne (qu'on appelle Peau d'âne) et d'une adolescente, Delphine.
Autrefois, Suzanne a perdu un enfant. Cet accident dont on la rend responsable lui ouvre les portes de la solitude et de la folie. Delphine, à l'âge des premiers émois, découvre le plaisir dans les bras de son cousin Jean, et ce souvenir qu'elle ne peut effacer la coupe de la réalité, l'entraîne peu à peu dans une névrose, à la recherche de sa propre identité. On le voit, ici le Malheur des dames n'est pas seulement celui de leur condition dans une société d'hommes égoïstes ou indifférents.
Le mal qui frappe Delphine et Suzanne, comme une sorte de fatalité biologique, nous révèle leur vie profonde, l'impossibilité où elles sont de formuler leur vérité. Sans discours et sans grandes phrases, Alix Gaussel sonde les reins et les cours, et nous en dit plus que bien des plaidoyers pour le féminisme. Écrit par petites touches, à la manière impressionniste, ce premier roman où alternent les tableaux de nature, les scènes réalistes, cocasses ou cruelles, atteint en nous ce qu'il y de plus secret, de plus inattendu peut-être.