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Je me passionne depuis toujours pour les chiffres, du moins, pour l'accumulation et la mise en forme de données. J'aime les chiffres, j'aime les « bases de données ». Je suis surtout attiré par les données qui ne servent à rien et dont on peut tirer des statistiques lumineuses mais tout à fait inutiles.
À cet attrait, l'auteur succombe en menant à fond (perdu) comptes et décomptes des données superflues que l'être humain peut établir, de manies compilatrices en comptabilités inutilisables, assumant son délire jusqu'à considérer qu'édifier un muret de bûches procure un plaisir équivalent à celui de composer un ouvrage d'art et jusqu'à s'étonner, lui qui tient ses « éphémérides de bouche », notant scrupuleusement où et avec qui il prend chacun de ses repas, que l'on ne connaisse pas en détail le menu de la Cène.
Nabokov disait que « l'imagination n'est fertile que lorsqu'elle est futile ». Ici, elle fertilise follement. Pas que maniaque, l'auteur, balèze, évoque la Terre, le Climat, le Temps et la Vie.
Dans cette suite d'essais tout sauf ordinaires, Michel A. Bouchard se fait le conteur des compteurs, le recenseur de notre monde. Si une telle ferveur pour les chiffres et les données impressionne, elle n'a d'égale qu'un amour pour une planète dont l'infinie beauté se révèle dans tous ces hasards, coïncidences et petits riens sur lesquels l'humain, malgré ses talents de grand destructeur, n'a aucune prise.
La chute d'une tuile du haut d'un hôtel devient ainsi prétexte à réfléchir aux météorites et aux grandes extinctions, et l'achat d'un cerisier japonais à la pépinière du coin ouvre une perspective sur l'évolution du climat depuis douze siècles.
Porté par une prose aussi leste que badine, Les Actes inutiles nous invite à nous arrêter pour compter et contempler ce que nous avons pris l'habitude de tenir pour acquis.