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Les villes sont divisées, partout et depuis longtemps, en fractions distinctes et contrastées. Mais c'est rarement de la même façon que les découpent et en nomment les parties ceux qui y vivent, ceux qui les administrent et ceux qui les étudient. Ces mots ne désignent pas des choses qui seraient déjà là : ils contribuent à la division même de l'espace et à sa qualification. C'est par eux que des locuteurs - qui sont aussi des acteurs sociaux - désignent des lieux, distinguent des territoires, les regroupent, les classent et les ordonnent.
Les mots sont des formes d'objectivation de la diversité spatiale et sociale des villes, des moyens pour s'y mouvoir et en jouer, parfois des armes pour la changer. L'évidence que l'on accorde aujourd'hui à un plan de ville usuel qui distingue les arrondissements par des couleurs, ou à la carte du géographe qui divise le territoire urbain en fonction de la morphologie ou des activités de ses parties, doit être interrogée.
Qui y souscrit, dans quelles situations et à la suite de quelles conventions historiquement établies ? Qui la récuse ou la néglige en pratiquant et énonçant au quotidien d'autres dénominations des lieux ou d'autres découpages de l'espace ? L'enquête sur les mots des divisions de la ville vise à recueillir les traces dans les lexiques et leurs usages de la variabilité historique, sociale et situationnelle des façons de partager l'espace urbain.
Cet ouvrage repose donc sur un pari : en prenant les mots pour objet, l'on peut mieux comprendre les divisions des villes. On aperçoit, sous l'apparente simplicité des découpages spatiaux de l'administration moderne, les traces d'institutions anciennes, les mises au présent du passé, les revendications spatiales des groupes. Le lecteur est invité à un voyage dans l'espace, dans le temps et dans les langues, en parcourant une série de villes, de l'Occident à l'Orient, de l'Afrique aux Amériques, des mises en ordre entreprises au siècle des Lumières aux explosions urbaines les plus contemporaines.