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À l'origine, l'écriture était, dit-on, le langage de l'absent. Cela reste vrai, qu'on s'efforce en écrivant de matérialiser hors de soi un double plus pur, ou qu'on cherche à réduire la distance qui nous sépare d'un corps qu'on voudrait toucher, d'un corps se consumant doucement dans la mémoire. Ce corps glorieux de l'Autre constitue la trame des récits d'exploration ; il hante aussi nos projets de voyage d'un désir qui n'a rien d'abstrait, et se nourrit de l'odeur du papier comme du parfum des végétations inconnues.
Or, le monde à présent nous est livré, à peu de frais, et son éclat s'est terni. Le bonheur du voyage ne réside plus dans la rareté de l'objet, mais dans la ressource du regard. Apprendre à lire, apprendre à voir, c'est le dernier espoir d'accéder au corps absent.