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Longtemps la vie de mon père m'a servi de contre-modèle. Je ne parle ni de l'homme ni du père de famille pour lequel j'éprouve encore respect et affection, mais de cet homme éreinté par le travail quotidien en usine, de cet homme pauvre qui devait cumuler les emplois pour offrir une maison avec tout le confort de l'époque à sa famille. Et voilà que je me rends compte aujourd'hui que je fais exactement comme lui...
Je mange debout dans la cuisine, je cumule deux ou trois emplois et je n'ai pas l'impression d'être si riche, du moins pas depuis quelques années. Ne pas mener la vie de mon père a constitué un leitmotiv dans mon existence. Cela m'a motivé dans mes études, cela m'a propulsé dans l'existence, notamment quand j'ai entrepris de voyager, de vivre ailleurs. Tout était bon sauf mener la vie de mon père...
Et voilà que je le retrouve, ce père que j'ai tant aimé. Je le retrouve dans la vieillesse et dans ma mort annoncée par le temps qui passe et qui, passant, use mon corps et mon âme. Inexorablement.
Après Des nouvelles du bout de l'île (2010) et La diversité du monde (2017), voici le Parfois je mange debout dans ma cuisine, troisième recueil des nouvelles et récits de Daniel Ducharme publiés à ce jour.
Ces textes ne sont pas regroupés autour d'une thématique commune, même s'ils se rattachent aux deux précédents, soit par les scènes de la vie quotidienne, soit par les souvenirs enfouis dans le cour de l'enfance. Peu importe, réalisme ou pas, la fiction est là, transformant le train-train quotidien en aventure, les souvenirs lointains en éclats de vie.