En cours de chargement...
Ici le rôle de l'écrivain consiste, pendant trois années consécutives, à noter quotidiennement ce que dit son modèle. Christian Prigent présentait ainsi les quelques extraits du Portrait qui furent d'abord publiés: « Les paroles, dit le modèle, sont les seules
choses qui nous appartiennent, et toi, tu m'en
dépossèdes. Bribes arrachées au flux d'une parole (amitiés, paysages, lectures, épopées domestiques, aphorismes et sentences), prélèvements de ce qu'une voix, au fil des heures, profère, voici un livre intégralement cité et minuté...
Sa radicalité est dans la violence douce du rapt, dans l'alignement
apathique des coupons. C'est quelque part du côté du ready-made (découpage et encadrement), du cut-up in vivo, de la tranche de langue plutôt que de la tranche de vie, du vol, à la langue, d'une autre langue qui en tire, du coup (le modèle est photographe), le portrait : l'écriture toute crachée. » Publier les paroles du modèle dans leur intégralité revient à affirmer que leur succession génère un texte et que ce texte peut être lu pour ce qu'il est : une fiction.
Car le portrait, quelque fidèle qu'il puisse être, mesure aussi la distance qui sépare les paroles vivantes de l'inscription qui tente de les arrêter. Jamais dame ne sera prisonnière de son portrait.