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Avec Quelque temps de la vie de Jude et Cie, Sulivan est allé jusqu'au bout de sa logique d'écrivain, en mettant à nu, face à la réalité du bonheur programmé, une autre réalité : celle d'hommes et de femmes surprenants, qui suivent leur propre chemin, aux prises avec leurs illusions et dans leurs fourvoiements, mais hantés par l'absolu. Loin d'eux la pensée de condamner ce monde absurde, atroce et radieux qui est le nôtre.
Ils le béniraient plutôt de leur permettre, encore, de vivre dans les quelques creux sociaux qui demeurent. Mais des mots comme course, compétition, peloton de tête, désignent des raisons de vivre qui ne les concernent guère. Jude, Boris et Gerda, Mathieu, Gis dit Giscard, à cause d'une vague ressemblance, Marthe-les-doigts-de-pied en éventail, Céline-les-amourettes, Julie-la-psy, Jaboud, Georges-les-Fioretti, Jo, et tous les autres qui fréquentent la rue Fichte, sont en quête du merle blanc.
Que cherchent-ils sinon l'amour ? Tantôt en pleine conscience, tantôt dans l'obscur, acharnés à sortir du narcissisme, y retombant sans cesse, à guérir de leurs névroses sans les masquer. [...] Rien d'abstrait dans ce livre. Les idées sur la politique, la religion, l'amour, la psychanalyse se disent dans la marche, le souffle, le battement de cour des personnages. La vivacité joyeuse du récit entraîne.
Une bouffée d'oxygène pour le lecteur invité à se délier du sérieux morose, à retrouver la liberté intérieure. Le narrateur regarde cette ethnie, à la fois étrangère et toute proche, non sans humour ni ironie, parfois avec férocité : cependant la tendresse n'est jamais absente. Que ce soit dans la complicité, avec les pauvres accrochés aux ruines, ou dans la poésie des gratte-ciel, une parole ne cesse de se dire : l'appel à un nouvel âge de la foi et de la liberté spirituelle.
Il n'y a pas d'illusions, de folies, de péchés qui ne peuvent prendre sens à l'instant même et amorcer un chemin.