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Mai 1664 : le jeune Louis XIV, vêtu d'or et de feu, donne à Versailles des fêtes très fastueuses. Quelques semaines plus tard, à la Trappe, dans le Perche, le riche et jeune abbé de Rancé renonce à tous ses biens pour se consacrer à l'austérité la plus extrême et au silence de son monastère. Un soleil noir répond au roi soleil.
Armand-Jean Bouthillier de Rancé (1626- 1700) est issu d'une famille qui doit à Richelieu fortune et influence.
Filleul de l'Homme Rouge, le voici pourvu dès ses 11 ans d'abbayes et de bénéfices considérables. Il succèdera, pense-t-on, à l'un de ses oncles, archevêque du prestigieux diocèse de Tours.
Sa jeunesse se déroule dans le Paris aristocratique de la Fronde. Proche de l'ébouriffant cardinal de Retz, le jeune prêtre brille aussi bien dans les salons qu'à l'Assemblée du Clergé. Il passe pour l'amant ou l'ami de cour de l'une des frondeuses les plus en vue : Marie, duchesse de Rohan-Montbazon, « la plus belle du monde », de quinze ans son aînée.
Mais le 28 avril 1657 Marie meurt d'une soudaine « fièvre pourpre ». Les circonstances dramatiques de son agonie et de sa mise en bière bouleversent Armand-Jean. Il quitte Paris, se retire dans son domaine de Véretz, en Touraine, jeûne, lit, médite, vend tous ses biens, devient moine. Sa légende commence.
D'une abbaye négligée, qui s'en allait à vau-l'eau, l'abbé de Rancé fait l'antithèse de la Cour.
Celle-ci, bientôt, se presse dans le Perche fascinée par le « grand spectacle de la Trappe ». L'étiquette à Versailles. La Règle dans la nouvelle Thébaïde. De Bossuet à Mabillon, du roi Jacques II Stuart au duc de Saint-Simon, ils sont nombreux à visiter le monastère, y faire retraite, correspondre avec celui que l'on surnommera l'abbé Tempête et qui fascinera Chateaubriand. Le Grand Siècle se trouve une Vanité à sa mesure.
« Il ne s'agit rien moins que d'affronter la mort et de l'engloutir », dira l'un des fidèles de Rancé.