En cours de chargement...
À soixante-dix ans, le commandant Avolo-Punta a vécu le nez sur l'instant, réussi à n'être nulle part chez soi, à ne garder ni mariage, ni maison, ni souci. À La Colonie, cette villa de Chevreuse vendue en viager où il campe depuis la guerre, il plante des arbres à croissance lente comme s'il devait vivre mille ans. Un soir sa fille qu'il ne connaît pas, n'a jamais voulu connaître, arrive chez lui.
Delphine a vingt-neuf ans, de grands pieds et un mari qui habite Tunis. Elle traverse ce roman plus bourré de personnages que le métro de six heures, sans poser de question. C'est le silence confronté à l'impatience, la beauté face à la coquetterie de ce père aimé de toutes les femmes, le sauve-qui-peut du commandant, la vie dans cette maison de banlieue envahie de statues, les dîners à La Colonie, les troisièmes mardis du mois.
" Vient qui veut, en général toujours les mêmes. " Mais les mêmes, devant Delphine, ne sont plus les mêmes ; son incuriosité la mène à toutes les découvertes et l'indifférence de son père à son égard explose en amour fou. Curieuse passion qui tantôt s'attarde, tantôt br-le les étapes, envoyant les convenances au tapis, faisant faire demi-tour au temps et mettant hier à la place de demain. En compagnie de Piccolo, un géant barbu, Delphine quitte La Colonie pour deux jours ; deux jours qui dureront trois semaines qu'elle passera à La Mascade, le château des Denain dans la Sarthe, où elle tombe malade.
Chez ces inconnus, Delphine découvre une forêt qui commence et ne finit pas, un domaine, de vieux oncles, une grand-mère, toute une vie de famille rondement menée par Vitalie Denain, une maîtresse femme qui fut naguère la maîtresse du commandant. Vitalie délègue au compte-gouttes son autorité à Frédéric-Jean, son seul fils après quatre filles, qui passe de la colère aux larmes, du fou rire aux remords et se demande, à vingt-cinq ans, comment le monde est fait.
Personnage dansé, élastique, affublé d'un prénom d'archiduc, Frédéric-Jean a en commun avec Delphine la même bonté envers la souffrance, les simples, les déchéances de l'âge, la même pudeur. Il sait tout ce qui ne s'apprend pas et bientôt qu'il aime Delphine. Pourquoi le commandant rompra-t-il le charme en venant chercher sa fille à La Mascade, en l'emmenant à Nice ? Frédéric-Jean l'y rejoint. Ils fuient d'abord chez des amis, puis seuls dans un tour de France haletant et poétique.
Mais le destin est là qui les oblige à rentrer, à se séparer. Le commandant va mourir et Delphine retournera à Tunis. Ce roman est aussi le livre de la décrépitude, la chanson de geste du grand âge. Entre le boucan de l'orchestre de singes - les enfants encore tout étourdis par les récents événements de mai - et les radoteries des vieux, guère de place pour les adultes. Mais les adultes existent-ils et qui sait, à la fin d'un long mois de septembre, si le monde durera encore trois semaines ?