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En 1947, le communisme s'est définitivement installé en Roumanie, pays agricole aux coutumes vivantes et fortes, gouverné par une monarchie constitutionnelle. Bucarest, la capitale, était à l'époque une ville cosmopolite, pittoresque, étonnante, " un merveilleux carrefour de races, de figures, de mœurs, d'aventures " (Paul Morand). C'était comme si le ciel était tombé sur la tête des Roumains. " L'expérience Pitesti " est considérée comme le modèle de l'installation de ce régime.
Elle a été conçue comme une méthode spéciale de rééducation par la torture. On l'appelait : " l'arrachement des masques ". Le but : une métamorphose de l'identité pour obtenir l'" homme nouveau ", un type d'" humain " fabriqué en série, une sorte de créature sans ancêtres, sans dieu, parlant une langue de bois et dépourvue de toute spontanéité.
L'arrachement des masques est :
" Un livre sur le communisme, certes, mais sur le communisme au quotidien, celui réellement vécu dans les pays communistes.
[...]
Un livre sur la nature de l'humain, aussi ; un livre explorant les extrémités où peut conduire l'illusion démiurgique. Jusqu'où peut-on " fabriquer " le membre d'un groupe social, le citoyen, l'homme ? Car il semble bien que, durant les années cinquante, le régime communiste roumain ait délibérément décidé de fabriquer des " hommes nouveaux ", selon une méthode aussi répugnante qu'efficace, à partir d'un laboratoire : la prison pour étudiants de Pitesti.
[...].
C'est un livre de psychanalyste, aussi - et c'est là une bonne part de son originalité. [...]. Ayant suivi sa formation de psychanalyste en Roumanie sous Ceausescu, ayant pratiqué le métier là-bas au risque de la prison, de la vie même, obsédée, tout comme ses patients, par le " système " qui s'infiltrait dans chaque mouvement, chaque acte de la vie, dans chaque pensée, une fois arrivée en France, Iréna Talaban a recommencé une formation, repassé ses diplômes et pratiqué à nouveau la psychanalyse aujourd'hui ici.
C'est sans doute sa clinique clandestine qui lui a donné l'habitude de cette surprenante liberté de pensée. Et c'est de cette place d'observateur épié, sans cesse espionné par le système, qu'elle nous livre ses réflexions sur le communisme réel, sur la psychanalyse aussi, bien sûr ! [...].
Un livre sur la Roumanie, surtout ! - actuel, vivant, complexe, paradoxal... à l'image du pays. La Roumanie de demain se fera avec les Roumains d'hier, tous rescapés de la rééducation communiste, tous marqués au fer, tous " traumatisés " au sens fort du mot, je veux dire : au sens clinique du mot.
[...] ".
(Tobie Nathan, préface)
Cette vaste expérience d'idéologie totalitaire n'a laissé aucun héritage, seulement des profondes cicatrices assez laides au souvenir.