Christian Signol est originaire d'un village du Lot, juste à la frontière du Limousin et du Quercy. Par toutes ses racines, c'est un homme des Causses -monde singulier, singulière planète comme on va le voir dans ce livre. Les deux romans qui l'ont donc imposé, Les cailloux bleus et les Menthes sauvages, sont des romans des Causses -monde singulier, immobile planète qui, des environs de Brive au fond du Larzac, figé dans son isolement, a pris dans notre imaginaire une dimension légendaire. Ainsi en va-t-il des terres qui meurent. L'Antonin, que Christian Signol fait revivre pour nous, incarne ce pays à nul autre pareil. Lorsqu'il naît, en 1897, les bourgs et les villages du Causse de Martel bruissent d'activité : la vieille France gauloise et rurale perpétue un art de vivre rude, pauvre et honnête : " Ils savaient que le vent a un parfum, le pain une saveur et la vie un sens. " La Grande Guerre, qui tue quarante hommes de chaque commune, sonne le glas d'une civilisation. Des survivants, beaucoup quittent la terre : ceux qui s'accrochent à leurs pierres, à leur arpent de vigne, à leurs moutons et à leurs dernières chèvres vivent - la Seconde Guerre Mondiale venue et dépassée - la " passion " des oubliés de notre société. Ils meurent seuls, en silence, comme Antonin en 1974, dans leur village mort. Ces hommes, ces femmes - dont l'admirable Philomène des Cailloux bleus et des Menthes sauvages -, ce sont nos parents, nos grands-parents. Leur sang coule dans nos veines et, dans notre cœur et notre esprit, les vertus simples qui leur ont donné la force de vivre jusqu'en nous. Il importe que nous sachions ce que fut leur vie. " Nous sommes perdus, écrit Christian Signol, si nous ne nous retournons pas vers eux, car nous ne saurons plus d'où nous venons, ni où nous vivons et qui nous sommes vraiment. " Leur redonner vie, c'est tout l'objet de la collection Mémoire vive, dont ce livre-ci est une des plus belles illustrations.