Apocalypse a saut lucifer

Considéré comme le dernier grand photographe français issu des années 1960, Bernard Plossu (né en 1945 au Viet Nam) reste l'homme des voyages, des déambulations à travers le monde et les peuples qui l'habitent (Mexique, USA, Asie, Sahara, Inde ...). Au contraire d'un Cartier-Bresson qui privilégie l'instant décisif, refusant tout autant une poésie humaniste qui avait marqué la photographie française des années 1950, Bernard Plossu capte comme nul autre l'évidence d'un paysage et l'art des occupations humaines dans leurs tâches les plus simples.
Comme à son habitude, lors d'un court séjour il y a quelques années au Couvent de la Tourette, Bernard Plossu s'est aventuré dans le hors champ de ce bâtiment exceptionnel. Au lieu de saisir les éléments les plus marquants de l'architecture de Le Corbusier, éléments mille fois photographiés, son regard l'a porté vers des ambiances, vers des détails de l'architecture, presque des saillances du bâti et donc du regard.
Sous son objectif, ce manifeste d'une architecture rationaliste prend une tournure presque baroque avec ces décrochements en béton ou ce jeu de lumière entre les pilotis du bâtiment. Ce corpus d'une dizaine de photographies devrait se compléter d'un second ensemble réalisé cet automne lors d'un séjour dans le couvent. Attaché à découvrir les lieux moins connus et normalement interdits aux visiteurs tels que la crypte, le toit-terrasse, la vaste bibliothèque, Bernard Plossu espère révéler une forme d'impensé du geste de Le Corbusier en démontrant combien un architecte considéré comme austère avait un rapport au monde empreint de poésie.
Cette poésie se laisse lire dans les détails du bâtiment et le jeu très subtils entre des matières et des espaces laissant à la lumière la possibilité d'entraîner les occupants du lieu vers diverses formes d'élévations. Le sublime dans le détail, la transcendance dans l'inframince des rapports de forme, telles seraient les leçons d'une série de vues qui renouvelle le genre de la photographie d'architecture.
C'est donc à une véritable relecture d'un chef-d'oeuvre de l'architecture que nous convie ce photographe à travers une trentaine de clichés sobrement mis en page.