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Partout en Asie du Sud-Est où François Robinne mène ses enquêtes depuis maintenant plus de trente ans, les Etats font face aux déplacements de leurs populations, souvent au-delà de leurs frontières. A cela s'ajoute, en Birmanie plus qu'ailleurs, la question des minorités ethniques et religieuses. Plutôt que d'envisager cette diversité à la manière d'une collection, pointant les spécificités ou soulignant les différences de chaque groupe, l'auteur nous entraîne vers les "carrefours sociaux" : réseaux villageois, alliances matrimoniales, entraides religieuses, les dynamiques relationnelles ont ceci de remarquable qu'elles se jouent des déterminismes linguistiques et culturels.
Par-delà l'ethnicité mais dans le respect des différences, c'est la possibilité d'une perspective autre que celle du 'repli identitaire qui est, ici, déployée. Cet ouvrage se lit aussi comme une trajectoire personnelle et un parcours intellectuel, qui nous conduisent des hautes terres de Birmanie aux enclaves de Bangkok, lorsque le chemin des essarts devient sentier de l'exil. Ecouter les gens, faire parler leurs mots, tenter d'en comprendre le sens : l'épistémologie du vécu repose sur la parole donnée.
Elle implique aussi un regard réflexif sur le parcours d'anthropologue : la difficulté d'accès aux terrains lointains, les conditions d'enquêtes en dictature et, par petites touches, les relations humaines hors desquelles la compréhension de l'autre ne serait pas tout à fait la même — et l'anthropologie plus tout à fait elle-même.