Ce livre, écrit en 1940 à la faveur d'enquêtes souvent criminelles à travers la campagne égyptienne, demeure, dans chacun de ses détails, de la plus vivante actualité. Le lecteur sera certainement fort étonné d'apprendre que tout ce qu'il vient de lire - oui, tout - demeure aussi vrai en 1974 qu'en 1940 et reflète exactement les moeurs inchangées de la campagne égyptienne. Ce sont les mêmes misérables villages, construits avec la même terre brute du limon du Nil mêlée aux feuilles de maïs et au fumier du bétail, toujours habités par la même population analphabète, affamée, usée et décimée par les maladies. Rien n'est différent, rien n'a évolué. Décrits par un magistrat à l'oeil aigu et tchékhovien, nous retrouvons semblables à eux-mêmes ces fonctionnaires corrompus qui traitent les fellahs comme leur propre bétail et continuent d'exercer impunément sur eux leur inéquitable autorité. Voilà bien " l'Eternelle Egypte "! On a beaucoup parlé, après 1952, c'est-à-dire dès le début du régime de Nasser, d'une fameuse " réforme agraire " et de " la nouvelle condition du fellah ". Ce ne furent, hélas, que belles paroles. La loi de la propriété agraire, en appauvrissant les riches, n'a guère amélioré le sort des pauvres. Les fonctionnaires de la réforme, plus corrompus que ceux de jadis, s'installèrent bientôt dans les demeures des notables dépossédés et traitèrent les fellahs plus durement encore que les anciens propriétaires. En Egypte, les régimes qui se succèdent se ressemblent toujours sur un point: l'éternelle misère du pauvre fellah! Cette misère, qui se poursuit à travers les siècles, explique sans doute l'immuabilité de la vie dans la campagne égyptienne. Un substitut de campagne en Egypte, recueil de scènes vues, d'une écriture simple et ironique, est un impitoyable réquisitoire, une des plus terribles dénonciations de la misère humaine.