La poésie de Laurent Albarracin s'ancre dans la matière concrète de la vie. Nous disons "matière" car sa poésie est reliée à la matière, aux "choses", aux objets, aux broussailles. Les broussailles nous évoquent bien plus que ce qu'elles sont. Elles sont épaisses, griffantes, elles déchirent la lumière, découpent le visible, le réel ; elles nous répondent : si l'homme n'est jamais évoqué, les broussailles s'adressent quelquefois à quelques parties de l'homme, un pied, un visage, un doigt, des pattes : Quand l'éloignement fait du surplace ou quand la panique patine c'est la broussaille c'est-à-dire que c'est une petite pluie batteuse et moissonneuse de vide qui vous frappe le visage une entrave d'herbes qui vous reste entre les pattes Le poète semble retourner, renvoyer dos à dos, ou face contre face, les effets, les sursauts, les désirs et les non désirs.
Il y a un jeu de miroir, par la verticale, qui se donne : l'existence est peut-être un jeu de rebonds du bas vers le haut mais aussi du haut vers le bas, une balle perpétuelle qui rebondit et touche ses opposés. La broussaille n'est pas une chose mais l'état de cette chose pourtant elle n'est comme chose que le désordre de cette chose elle n'a pas de réalité claire elle n'a de réalité qu'assombrie de sa broussaille dès lors comment parler de cette chose qui n'est pas une chose mais la friche de cette chose devant la parole ? C'est une vision du monde avec d'autres vertus, d'autres réalités, pour le montrer tel qu'il est : "L'imagination est la reine du vrai", écrivait Baudelaire.
C'est, avec Broussailles, pleinement vrai.