Un manifeste, une préface d'exposition, le texte d'une conférence, un " cadavre ", un poème automatique ou un collage verbal : il n'y a pas de catégorie textuelle que l'on puisse qualifier " écrits surréalistes sur l'art ". L'établissement d'un corpus est d'autant plus difficile que les textes en question sont essentiellement hybrides, brouillant les frontières traditionnelles entre les genres. Dans un grand nombre d'entre eux, le tableau ou l'objet d'art n'est souvent qu'un simple point de départ, une illustration, voire un champ de bataille pour la poursuite d'une polémique. Nombre de ces écrits ont été publiés d'abord comme textes de circonstance, toujours datés, participant autant des grands débats contemporains sur l'art que des petites querelles d'école. Textes donc situés historiquement. Leur portée dramatique, leur dimension dialogique, dépassent largement le cadre exclusivement surréaliste. Elza Adamowicz en propose une nouvelle lecture, non pas dans la perspective unifiante d'une " écriture surréaliste ", mais comme des écrits en situation, constituant des interventions calculées dans les débats contemporains, afin de leur rendre leur vitalité d'origine. Elle fonde ses analyses sur le principe que les écrits sur l'art des surréalistes sont profondément ancrés dans les réseaux discursifs de leur époque : le discours transgénérique des années 1920, le paradigme ethnologique et le débat sur le réalisme socialiste des années 1930, la querelle entre abstraction et figuration des années 1940 et 1950. Elle s'attache aux pratiques discursives, c'est-à-dire à la fabrication de récits à partir de tableaux, récits qui à l'occasion perdent tout simplement de vue la peinture qui les aurait occasionnés. Cet essai repose sur le principe que, pour les surréalistes, écrire sur la peinture c'est écrire parallèlement à la peinture, contre la peinture, voire au-delà de la peinture, c'est emprunter une trajectoire textuelle parfois détournée, souvent dévoyée, toujours merveilleusement dévergondée.