La musicalité de la langue allemande m'est totalement étrangère, mais je pouvais admettre sans broncher que Dahlem sonnait mieux que Krüger : c'était une manie de cabotin, une lubie d'artiste, une autre façon de se dissimuler derrière un masque. Werner avait un pseudonyme, c'était normal. Pour l'instant, la force de l'habitude aidant, je dirai Werner. J'ai devant moi tous ces papiers, ces photos, les notes que tu as rédigées sans souci de chronologie, comme si, volontairement, tu avais voulu me compliquer la tâche. Il me faut rassembler les fragments épars, mettre de l'ordre dans ce fatras, et trouver une ligne directrice, une trame permettant de raconter cette histoire dont j'ignore les points clefs. Facile à dire ! Le plus simple est de délimiter les repères chronologiques : ton arrivée en France, en janvier 1937, ta participation à La Grande Illusion, et, au bout du parcours, en guise de conclusion provisoire, ton départ pour l'Espagne, après quelques brèves apparitions sur le tournage d'un autre film de Renoir, La Marseillaise, à la fin du mois d'août de la même année.