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L'écriture de ce livre s'agence autour du rapprochement entre deux des films les plus célèbres de l'histoire du cinéma mondial — Naissance d'une nation de D. W. Griffith (1915) et Le Juif Süss (1940) de Veit Harlan. Les facteurs qui tendent dans l'esprit du public et de la critique à dissocier ces deux films sont si puissants que le premier n'a jamais cessé d'être réputé comme un chef-d'oeuvre absolu et associé à la naissance même du cinéma états-unien, tandis que le second, tout aussi continûment, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, est désigné comme un objet criminel, ceci au point que sa diffusion se trouve soumise aux plus rigoureuses restrictions.
Et pourtant : deux films promouvant sans détour l'idéologie suprémaciste blanche, deux films dans lesquels la mise au ban de la race inférieure (les Noirs dans l'un, les Juifs dans l'autre) est présentée comme la condition de la survie et du rétablissement de l'intégrité de la race supérieure (blanche, aryenne), deux films obsédés par le motif du mélange des sangs et des espèces humaines, deux films violemment mixophobes, hantés par des images de viol — dans l'un comme l'autre, l'inférieur racial est un vibrion lubrique, entièrement adonné à son désir de la jeune femme aryenne innocente et pure.
Une même matrice fantasmatique parcourt ces deux films — celle qui agence le désir de mort de l'autre assigné à sa race dégénérée sur la hantise du mélange des sangs, du métissage racial et culturel.