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"Maïa , m'a confié Pierre, j'ai besoin que mon recueil paraisse en français. Et tu sais qu'à mon âge, chaque jour peut être le dernier". J'ai entendu la nécessité, le besoin impérieux de faire témoignage, oeuvre, dans la langue de son enfance - qui n'est pas sa langue natale, ses parents parlaient allemand et yiddish -, celle de ses jeux sur les trottoirs parisiens avec son premier ami ; la langue des bourreaux aussi, celle des policiers qui ont en-voyé son père, Aba Scherel, au camp de Drancy, d'où il sera déporté vers "une destination inconnue" : d'Auschwitz, il ne reviendra pas.
Pierre a échappé de peu au même sort funeste grâce à l'ingéniosité et au courage de sa mère. Des années plus tard émergent ces poèmes, catharsis à son traumatisme de guerre, tentative pour retrouver son identité perdue dans les dédales de l'Histoire. COLERE Nous avons continué à vivre et ravalé nos sentiments Comprendre était trop difficile Etre jeune était trop demander L'audace était le courage de l'aveugle Chanter était à peine audible aux oreilles attentives Penser était la force d'une élite Je déteste cette époque qui nous a rendus si résistants à la souffrance Si hermétiques à la maladie romantique aux mensonges flagrants de la camaraderie de salon