Une partie de l'oeuvre, visuelle et linéaire – il n'y a pas de différence pour lui – de Pierre Garnier est bâtie sur l'évocation de l'enfance, qu'il évoque, raconte, reprend et réécrit sans cesse. C'est de cette expérience qu'il s'agit ici. Devant l'impermanence du quotidien, le poète recrée à l'infini des images poétiques : c'est une poésie circulaire, comme le cycle des saisons, comme le cycle de la vie.
"Depuis qu'il n'y a plus" : nous pourrions n'y lire qu'un poème pessimiste, nostalgique. C'est tout l'inverse qu'il révèle. Toutes les choses finies que le poète amasse, il les raconte, il en exalte la nature et l'homme indissociés : tout devient "merveilles", tout le poème est au présent, car l'enfance est éternelle et ne tarit jamais pour le poète. Pour réanimer le soleil de l'enfance, Pierre Garnier, avec douceur mais non sans feu, non sans émotion, nous entraîne dans sa réalité.
"Il sort du réel, il entre dans le vrai", dit Victor Hugo du poète. Il est aussi la mémoire du monde, son monde, ses champs, son église, ses ruisseaux, ses oiseaux et ses blés, ses papillons, ses escargots, dont nous avons, autant que les oeuvres d'art, les récits de l'Histoire, les peintures des grottes, besoin pour vivre. De même qu'on ne subdivise pas l'expérience de la vie d'un homme et qu'on ne la sépare pas de son langage – la poésie naît de ces allers-retours –, de même sont unies poésie spatiale et poésie linéaire.
Qu'importe comment surgit le poème : sans images, pas de poésie. Images et mots s'associent pour entrer dans l'être ; ces mots et ces images n'ayant rien de communs visiblement, nous devons tenter de voir l'invisible. Ce qui ne se voit pas à première vue, c'est pourtant ce qui éclaire finalement : la poésie de Pierre Garnier est une source de lumière.