Dieu Ne Lit Pas De Romans. Un Voyage Dans Le Monde De Salman Rushdie

Jeune auteur, j'étais passionné de science-fiction, j'étais fasciné par ce pouvoir qu'a le genre de donner une vie dramatique aux spéculations les plus métaphysiques. Mes favoris, qui le sont restés depuis, étaient Solaris de Stanislas Lem, les contes fantastiques de Jorge Luis Borges comme Tion Uquebar, Orbius Tertius et The Garden of Torking Path ; First and Last men d'Olaf Stappleton, Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, Cosmicomics d'Italo Calvino. C'est tout à fait par hasard que je suis tombé à l'époque sur la version anglaise d'Epp d'Axel Jensen et que je me suis laissé séduire par l'originalité du monde imaginaire et spirituel de son auteur. Au bout de tant d'années, il m'est impossible de dire quelle influence cette lecture a eue sur moi, mais je fus complètement envoûté par le monde d'Epp. Aujourd'hui Axel Jensen me fait identiquement l'honneur de se laisser absorber par l'univers de mes livres, et en particulier celui (ou ceux) des Versets Sataniques, avec une intensité dont je lui suis très reconnaissant. Ce que Jensen fait envers un collègue écrivain est un témoignage de générosité. Il a consacré des années de son temps précieux à conduire une recherche intelligente et précise à mon sujet. Je suis très touché de sa générosité, je le remercie du fond du cœur. Je suis sûr que les lecteurs de Dieu ne lit pas de romans vont être éblouis par le savoir d'Axel Jensen, et divertis par son esprit vif et léger. En tant qu'objet de son attention bienveillante, j'ai moi-même été stimulé, provoqué et édifié. Il est possible qu'Axel Jensen en sache davantage que moi sur mon œuvre. Pour ce qui est de la controverse à propos de Dieu : si Dieu existe, je doute qu'il s'inquiète le moins du monde des Versets Sataniques et inversement, s'il n'existe pas, il ne s'inquiète certainement pas des Versets Sataniques. Il n'y a par conséquent pas de querelle entre Dieu et les Versets Sataniques. Les disciples de l'un ou l'autre Dieu sont évidemment moins tolérants que leur divinité (existante ou non). Salman Rushdie