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Dans les prisons pour hommes en France, la mixité chez les surveillants pénitentiaires, amorcée discrètement en 1983, se poursuit de façon plus soutenue depuis une quinzaine d'années. Pour autant, la présence de surveillantes en détention pour hommes se heurte encore à des oppositions insidieuses ou manifestes. Si les risques de violences physiques et/ou sexuelles présentés par certains comme des obstacles rédhibitoires à leur présence dans ces fiefs traditionnellement masculins ne reposent sur aucune base statistique, leur évocation emblématique nous renseigne sur les fonctions attribuées à la prison et sur la féminisation d'un métier fortement marqué par la culture virile.
Dans cette contribution nouvelle et très documentée qui couvre une période de plus de dix ans, l'auteure croise plusieurs disciplines (histoire, droit, psychologie, sociologie, anthropologie). Elle identifie ainsi différents facteurs qui interviennent dans l'expression des résistances observées, et notamment : les origines monosexuées de la prison, la multiplication des unions et des filiations qui viennent recomposer ce que beaucoup d'agents appellent la "famille pénitentiaire", l'organisation du travail qui répartit de façon inégalitaire le "sale boulot" que constituent les fouilles sur les personnes détenues, inversant la traditionnelle division sexuelle du travail.
Les conséquences de cette évolution institutionnelle heurtée sont étudiées à plusieurs niveaux : l'analyse des obstacles rencontrés par de nombreuses surveillantes pour pénétrer dans ce bastion viril, et les répercussions de l'incarcération sur les sens, sur les corps et sur les désirs. En effet la cohabitation surveillant-surveillante-détenu réactualise avec acuité la question posée par les frustrations affectives et sexuelles dont souffrent une majorité de personnes détenues, contribuant à rendre problématique leur retour à la vie libre.