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Au mitan du XIIIe siècle la dynastie ayyoubide quittait le pouvoir en Egypte et bientôt en Syrie. Le sultanat de Saladin avait été caractérisé par une forte présence kurde à la fois au sein des armées du royaume et dans les plus hautes fonctions civiles politiques et judiciaires. Sa chute au profit d'un groupe de militaires turcs d'origine servile, les Mamelouks, entraîna la marginalisation progressive des émirs et des notables kurdes.
L'influence des Kurdes au sein de l'Etat mamelouk naissant fut bien réelle, mais au fur et à mesure qu'elle s'éteignait, elle se muait en une faible capacité de nuisance menant à de vaines conjurations. Les Kurdes n'eurent plus qu'une place politique périphérique dans l'Egypte et la Syrie du début du XIVe siècle. Que devenait alors la asabiyya kurde ("l'esprit de corps") qui avait soutenu la dynastie ayyoubide ? La phase historique qui s'ouvrait marquait les débuts d'une reconfiguration de la place des Kurdes au Levant ainsi qu'aux marges des Empires, au Kurdistan.
L'ouvrage a donc pour ambition l'étude du processus pluriel de construction d'un territoire des Kurdes entre Anatolie et plateau iranien. Des tribus belliqueuses ancraient leur histoire dans les montagnes de ce lieu-refuge. Elles y établissaient l'ordre intra et intertribal, matrice de leur autonomie. Les grands Etats du Moyen-Orient (Mamelouks et Ilkhanides mongols), quant à eux, entérinaient cet édifice et contribuaient de manière décisive aux transformations spatiales, par le pouvoir de nommer les lieux et de coopter les hommes.
La convergence paradoxale de leurs politiques impériales rivales s'impose comme le facteur crucial d'une autochtonisation des Kurdes.