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Marcel Emerit (1889-1985) est à l'histoire sociale de l'Algérie coloniale ce que Charles-Robert Ageron a été à l'histoire politique et institutionnelle de l'Algérie. Et cela tant par l'ampleur de l'oeuvre, son acuité interprétative, que par son audace pour soulever des questions et exhumer des archives négligées par ses pairs : du mouvement des opinions publiques, aux cercles fermés des groupes de pression, en passant par les associations locales et les sociétés secrètes.
Pourquoi donc l'oeuvre de Marcel Emerit a-t-elle été si peu lue de son vivant ? C'est que son histoire sociale n'avait rien à voir avec celle mise à la mode par l'Ecole des Annales et moins encore avec celle alors pratiquée par les historiens marxistes. Ce que nous propose Marcel Emerit c'est une histoire sociale des idées, des rêves, des utopies et des fantasmes qui ont informé et accompagné les pratiques des différents acteurs de l'histoire coloniale.
On ne trouvera donc pas dans cet ouvrage, des statistiques et des graphiques, moins encore des considérations théoriques, mais une évaluation précise et circonstanciée des effets des idées sur le réel - tant au plan des luttes sociales et politiques que sur le plan diplomatique, économique ou imaginaire. A rebours de la perspective courante qui n'envisage les représentations des acteurs qu'en termes d'idéologie - c'est-à-dire de représentations destinées à justifier des pratiques honteuses d'elles-mêmes - cet ouvrage réunissant les principaux articles de Marcel Emerit permet mieux qu'aucun autre de prendre la mesure de la ferveur, de la sincérité et de l'hétérogénéité des idées, des croyances, des rêves et des fantasmes à travers lesquels une multiplicité d'acteurs ont fait l'histoire coloniale de l'Algérie.