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"J'ai souvent le sentiment que les suicidaires n'intéressent en fait personne. Ce sont leur nombre et l'encombrement des services médicaux qui dérangent. Ce sont de mauvais malades. Leur mal en effet n'est pas localisable directement ni objectivable par un nouvel examen de pointe. Il n'y a pas de traitement rapide et efficace pour leur réinjecter sans mot dire le goût de vivre. Leurs histoires sont longues à écouter, et n'ayant souvent plus rien à perdre ou aucune envie de guérir, ils lancent des ultimatums qui renvoient les soignants à leur impuissance.
Enfin, de manière revendicatrice ou plus insidieuse, ils mettent à jour les dysfonctionnements tant des services qui les reçoivent que de leur famille, de la société, de l'école ou des systèmes d'intervention destinés à les aider" nous dit ici Anne Perrier-Durand. Ainsi, on le voit bien, avatar du sujet à l'ordre symbolique, langage extrême où se trouve reprise à "la lettre" l'expression populaire "je me tue à vous le dire", le suicide est l'objet d'une contre-réaction ambivalente de la société : s'y entremêlent des préjugés tenaces, des représentations mais aussi une impuissance et une culpabilité que le suicidaire, par son geste, vient, réactiver, dévoiler, réveiller.
Il entraîne dans son propre leurre des interprétations qui s'objectivent dans des discours divergents repérables à l'intérieur même de chaque champ : social, médical, juridique. L'auteur interroge ici ce phénomène social d'un double regard individuel et sociétal, articulé sur sa pratique professionnelle. Elle croise les discours de la psychanalyse et de la criminologie pour analyser les mécanismes influents qui conduisent le plus souvent les politiques de prévention du suicide à l'échec.