Biographie de Joseph Danan
J'ai longtemps hésité sur le titre. Pendant tin bon moment, la pièce s'est appelée Tom le récidiviste. Mais je sentais bien que ça n'était pas ça. J'en ai essayé d'autres. Jim le récidiviste. Paulo le récidiviste. Avec Pierrot le récidiviste, j'ai bien cru que ça y était. Mais la valse a continué. Jimmy. Nicolas. Lulu. Toto. Ca n'était toujours pas ça ! Jusqu'à ce qu'enfin la lumière se fasse. Ce serait : jojo le récidiviste ! Allez savoir pourquoi ! On allait encore me dire que c'était une pièce autobiographique.
Or, je sais bien : Jojo et moi, ça fait deux, même si pendant des années dans la famille on m'a appelé Jojo (jusqu'à ce que je dise : stop ! parce que je n'en pouvais plus). Moi, à la différence de Jojo, j'étais un enfant sage, trop sage peut-être. (Aie ! je sens les parents qui remuent). Et ma mère, je le jure, ne m'a jamais donné la plus petite gifle (mon père non plus, d'ailleurs). J'ai une hypothèse : c'est que les bêtises, je ne les faisais pas, parce que la gifle, je me la donnais moi-même avant de les faire - je suis sûr que tu as très bien compris.
Maintenant que j'ai grandi (un peu... mais là, à cinquante-cinq ans, je ne me fais pas d'illusions, je ne grandirai plus), j'écris des pièces où je peux faire tout ce que je veux sans prendre de gifle. Et j'enseigne le théâtre à l'université à de grands gaillards et de grandes filles que je n'ai pas besoin de gifler pour qu'ils travaillent, parce qu'ils aiment ça ! Joseph Danan - A la première lecture de Jojo, me sont apparues, tout de suite, les deux grandes mains de la mère, deux battoirs disproportionnés, durs comme du bois, un peu burlesques, un peu violentes.
Et à chaque nouvelle scène, à chaque envolée poétique de Jojo s'opposait une claque bien sonore. Cette grosse main gonflait dans mon imaginaire, une madone aux mains énormes étouffait son enfant dans sa paume, écrasant toute créativité par impatience, maladresse, désamour, ou sans raison... Et Jojo, en bon récidiviste, revenait chaque fois l'affronter. J'ai, pour ma part, une expérience toute différente des mains parentales, plus caressantes que violentes et bienveillantes plutôt qu'entravant mes jeux.
J'ai eu la chance de grandir bien à l'abri sous elles, dans un coin tranquille de Bruxelles. J'y ai appris le dessin, l'illustration, la bande dessinée et le cinéma. J'ai quitté Bruxelles pour Paris où j'utilise mes mains à travailler en tant qu'illustrateur pour la jeunesse et la presse. Comme tout le monde, j'ai pris mon petit lot de claques, et récidiviste à mon tour j'essaie de maintenir le cap et d'avancer dans mon métier d'illustrateur, le plus doux des jeux d'enfants.
Nicolas Zouliamis