"Quelle couleur a la nostalgie ? Quelle couleur a le désespoir ? Et le fantasme ? Et la réalité? Nous allions essayer de les imaginer, Fabrice et moi, chacun de notre côté. Le temps qu'il faudrait, sans nous concerter. Quand il m'appellerait, nous confronterions nos avis. A partir de là, je pourrais décider souverainement de la tonalité générale de mon film, cette petite pigmentation quasi imperceptible sur l'écran et qui en dirait peut-être plus que tous les mouvements des comédiens, que toutes les répliques qui sortiraient de leur bouche." Un réalisateur cherche désespérément "son" ciel.
Celui dont il rêve et qui donnera à son prochain film, une adaptation de l'inoubliable roman d'Alexandre Tisma La Jeune Fille brune, sa tonalité singulière. Extase, douleur et nostalgie mêlées. Très vite, ce projet l'engage bien au-delà du simple défi artistique. N'est-il pas lui-même en train de vivre une histoire d'amour similaire à celle du héros de Tisma ? N'est-il pas, lui aussi, hanté par la jeune Betty après avoir passé avec elle une nuit passionnée - l'intrépide Betty dont il rêvera sans cesse, même quand il se trouve dans les bras de la patiente et taiseuse Marielle ? Comment expliquer la persistance de l'obsession lancinante née de cette première nuit d'amour cependant que, partout dans la ville, règne la peur de la menace terroriste ? Alors que les soucis du quotidien le minent jour après jour, et que peu à peu le lâchent producteurs et fidèles collaborateurs au fil d'un lent mais sûr dégrisement, il tente de se ressaisir pour réaliser envers et contre tout ce film qui met en question sa vie d'homme et de créateur.
Jusqu'à la dernière minute il recherchera la formule exacte de cette incommensurable et secrète beauté qui l'a bouleversé. Un roman d'une grâce déchirante.