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Une enfant muette développe son oreille. Les mots, les expressions, les vestiges de patois, les idiosyncrasies familiales, les mensonges, les images, les couleurs de la langue s'y logent pour longtemps. L'âme chevillée au corps tente de rendre, avec une inévitable déperdition due à l'érosion du temps, la langue ouvrière telle qu'Eve Lerner l'a entendue, avec ses incompréhensions d'enfant, cette langue foisonnante d'invention, ferment argotique et poétique où l'histoire est à l'oeuvre.
Ce roman langagier familial, hommage de l'auteur à sa mère, linguiste instinctive, se lit comme une archive encore vivante de la vie à l'usine et dans les familles ouvrières du XXe siècle. Une vie faite de travail abrutissant, mais aussi d'invention, de panache et de style. La langue des pauvres était une langue riche. Ce récit en garde la mémoire.